Homéopathie en France : quels enjeux et perspectives?

Publié le 24 septembre 2019 Lecture 25 min

Tandis que le débat perdure entre médecine traditionnelle et médecine douce, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn s’en est remise à la HAS afin de statuer sur l’intérêt de maintenir le remboursement des médicaments homéopathiques. Sans surprise, la Haute autorité de santé a rendu le 28 juin dernier un avis négatif quant au bien-fondé de la prise en charge des médicaments homéopathiques par la Sécurité sociale,  suite auquel le gouvernement a annoncé leur déremboursement total. La France, qui faisait figure d’exception en Europe, s’apprête donc à suivre la voie empruntée par la majorité de ses confrères européens.

L’homéopathie et le débat sur son efficacité

Méthode thérapeutique reposant sur le principe de similitude proposé par Hippocrate, l’homéopathie consiste à administrer à un patient une substance active à dose infinitésimale, et qui à dose élevée provoque chez un sujet sain des symptômes similaires à ceux du patient malade. La substance active, d’origine végétale, minérale ou animale, est cependant si diluée que son efficacité fait débat au sein du corps médical.

L’efficacité des médicaments homéopathiques n’ayant pas été évaluée scientifiquement en France, ils étaient jusqu’à présents remboursés à 30% par l’Assurance maladie à la faveur d’un régime dérogatoire. Suite au débat qui a émergé sur leur efficacité, la HAS a réalisé une analyse de la littérature scientifique disponible sur le sujet, au terme de laquelle elle a jugé l’efficacité de l’homéopathie insuffisante pour être proposée au remboursement. Pour autant, au-delà de l’efficacité de la substance active, existe l’effet placebo qui a contrario a maintes fois fait ses preuves sur les symptômes subjectifs des patients, telles que la douleur, la fatigue, l’anxiété. Le bénéfice d’un médicament doit cependant être supérieur à celui induit par l’effet placebo – qui sert de référence lors des essais cliniques  –  afin de pouvoir prétendre à un remboursement.

Les enjeux de son déremboursement

Le très probable déremboursement prochain aura plusieurs impacts. Tout d’abord, un impact économique direct pour l’Assurance maladie, avec des économies de l’ordre de 130 millions d’euros. Rappelons toutefois que ce chiffre ne représente qu’environ 0,7% des remboursements de médicaments ; le déremboursement de l’homéopathie n’aura donc qu’un impact limité sur l’équilibre budgétaire tant recherché par la Sécurité sociale.

Du côté des industriels, trois gros acteurs seront impactés en France : les laboratoires Boiron, Lehning, et Weleda. La suppression des 1300 emplois, soit la moitié des effectifs actuels en France, mise en avant par Boiron – le leader mondial du secteur – en cas de déremboursement n’aura pas eu l’effet escompté sur l’avis émis par la HAS.

Du côté des patients, en plus de l’impact financier direct induit par le déremboursement, le risque est de voir le coût actuel des granules – deux euros environ par tube – multiplié par deux ou trois du fait non seulement de la TVA passant de 2,1% pour les médicaments remboursés à 10% pour ceux non remboursés, mais aussi de l’absence de réglementation concernant la fixation des prix par les industriels. Pour limiter ces effets, le gouvernement aurait pu opter pour un déremboursement partiel au lieu de total.

De nouvelles perspectives de prise en charge

Même en considérant le scénario le plus pessimiste selon lequel l’homéopathie n’agit qu’en tant que placebo, il a récemment été montré par plusieurs études que le bénéfice pour le patient d’un placebo administré «en ouvert» – le patient sait qu’il prend un placebo – combiné avec un médicament actif est supérieur au bénéfice d’un médicament actif seul[1] : il serait donc possible pour un bénéfice équivalent d’utiliser une dose réduite de médicament actif.

Le placebo «en aveugle» permettrait également la réduction de dose de médicament actif administrée, notamment en utilisant notre capacité d’apprentissage : à la suite d’un traitement actif efficace administré de manière répétée, un traitement placebo avec des caractéristiques visuelles, gustatives, et olfactives similaires engendrerait une réponse se rapprochant de celle au traitement actif.

«Cette approche est particulièrement intéressante dans un contexte de crise des opioïdes pour la gestion de la douleur » ajoute Delphine Bertrem, responsable de BU Santé chez Alcimed.

Des études cliniques menées aux Etats-Unis et en Italie ont ainsi montré une réduction de l’utilisation des doses d’opioïdes, de corticoïdes, de benzodiazépines et d’amphétamines chez des patients souffrant respectivement de douleurs, de psoriasis, d’insomnie, de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité[2]. En outre, le coût du placebo pour l’Assurance maladie serait alors compensé par la diminution du volume de médicaments actifs prescrits.

L’homéopathie serait-elle un bon candidat placebo pour cette stratégie thérapeutique ?

[1] Kaptchuk TJTJ Kaptchuk & al. Open label placebo: can honestly prescribed placebos evoke meaningful therapeutic benefits? BMJ. 2018 Oct 2;363:k3889
[2] Colloca L, Enck P et al. Relieving Pain using Dose-Extending Placebos: A Scoping Review. Pain. 2016 Aug; 157(8): 1590–1598.

 

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