Santé

Administration de biomédicaments par voie orale : quelles évolutions pour les prochaines années ?

Publié le 13 février 2023 Lecture 25 min

Les médicaments biologiques, ou biomédicaments, se définissent par leur processus de synthèse, étant obtenus à partir d’une source biologique et non par de la chimie de synthèse. Ils représentent aujourd’hui la majorité des médicaments en cours de développement et leur utilisation continue d’augmenter. En pratique, la différence entre les biomédicaments et les molécules ‘standards’ s’agence surtout sur des différences de taille : les premiers pouvant être jusqu’à 10000 fois plus lourds que les secondes (que l’on appelle ainsi souvent ‘petites molécules’). Cette distinction entraîne de grandes difficultés à mettre au point des biomédicaments oraux, malgré les avantages que représente cette voie d’administration. Alcimed a investigué les progrès les plus récents faits sur l’administration de biomédicaments par voie orale pour estimer leur maturité et leur potentiel de disruption dans les 10 prochaines années.

L’administration par voie orale : idéale pour les patients et les systèmes de santé ?

L’administration de biomédicaments par voie orale serait bénéfique pour la qualité de vie des patients, pour la charge de travail des professionnels de santé et pour les budgets des systèmes de santé.

Pour des applications cliniques, la voie orale (ou per os) apparait depuis toujours comme la voie d’administration la plus souhaitable pour un patient. En effet, lorsqu’une molécule peut être formulée oralement sans perte d’efficacité ou de sûreté par rapport à un autre mode d’administration, cela offre d’importants avantages, notamment :

  • L’administration orale présente peu de risque d’être incorrectement réalisée. Elle ne nécessite d’ailleurs pas ou très peu de formation pour être administrée au patient.
  • Une prise orale peut se faire à domicile, et donc permet de libérer du temps infirmier et médecin, ce qui diminue le coût total de prise en charge des patients.
  • L’oral représente un fardeau moins lourd pour les patients que les injections et favorise donc une bonne observance du traitement par le patient.

L’administration de biomédicaments par voie orale serait donc bénéfique pour la qualité de vie des patients, pour la charge de travail des professionnels de santé et pour les budgets des systèmes de santé.

Pour délivrer ces médicaments par voies orales, deux axes principaux sont étudiés : la formulation chimique et les dispositifs médicaux oraux.

Les nouvelles formulations de biomédicaments tentent de surmonter les obstacles liés à l’administration orale

La plupart des efforts de recherche pour l’administration par voie orale de biomédicaments se fait sur leur formulation biologique. Cet axe de recherche est également celui qui a abouti aux plus grands succès.

Par exemple, un succès majeur a été celui de la commercialisation de Rybelsus aux Etats-Unis par Novo Nordisk. Ce biomédicament est une formulation orale de semaglutide, un agoniste GLP-1 indiqué notamment pour le traitement des patients atteints du diabète de type 2.

Ce succès a été permis grâce à la technologie des ‘permeation enhancer’, des composés chimiques et/ou biologiques permettant d’élargir les pores de la barrière naturelle de l’intestin, obstacle principal à l’administration des médicaments par voie orale.

Cependant, cette technologie n’est malheureusement pas applicable à tous les biologiques, en particulier aux plus grands d’entre eux comme les anticorps, car elle ne permet pas d’assurer leur stabilité dans l’intestin, une autre difficulté majeure rencontrée par les médicaments biologiques.

La biodisponibilité de Rybelsus (c’est-à-dire la proportion du principe actif absorbée par le patient par rapport à la quantité totale contenue dans le biomédicament) est de seulement de 1%, contre plus de 50% pour son équivalent administré en sous-cutané.

De plus, l’exemple de Rybelsus montre que la formulation orale des médicaments biologiques comporte également des problématiques, notamment au niveau industriel. La biodisponibilité de Rybelsus (c’est-à-dire la proportion du principe actif absorbée par le patient par rapport à la quantité totale contenue dans le biomédicament) est de seulement de 1%, contre plus de 50% pour son équivalent administré en sous-cutané. La quantité de principe actif à fabriquer est donc bien supérieure pour un médicament oral, ce qui peut le rendre plus cher pour les systèmes de santé et générer de plus faibles marges pour les laboratoires.

De façon plus générale, très peu de médicaments biologiques ont réussi à faire sauter le verrou de l’administration par voie orale, le focus étant pour le moment sur les voies injectables (comme l’intraveineux ou le sous-cutané). Même si la recherche est très active, la voie orale représente une très faible part des biomédicaments en développement et devrait ainsi rester mineure dans les dix prochaines années.


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Les pilules robotiques pour administrer les biomédicaments par voie orale : entre science et fiction

Un autre axe de recherche pour administrer les médicaments biologiques par voie orale est celui des dispositifs médicaux oraux, souvent appelés ‘pilules robotiques’. Le principe est de placer le principe actif dans un petit appareil à ingérer par le patient afin de le protéger dans l’intestin, mais également de l’aider à traverser la barrière de l’intestin.

Plusieurs types de dispositifs font ainsi le sujet de recherche, notamment :

  • Les patchs intestinaux, qui se fixent à l’intérieur de l’intestin pour délivrer le médicament
  • Des capsules à micro-aiguilles, qui permettent de réaliser une injection depuis l’intérieur du système digestif
  • Les systèmes à base d’ultrasons, qui permettent d’élargir les pores de la barrière de l’intestin
  • Les systèmes à microjets, qui visent à traverser cette barrière en utilisant de minuscules jets comme propulseur.

Lire aussi : Le futur de l’administration des médicaments par voie orale : des nanotechnologies aux dispositifs électromécaniques

Toutefois, ces dispositifs médicaux oraux sont encore à un très faible niveau de maturité, et n’ont toujours pas fait leur preuve d’efficacité et de sûreté chez l’homme. Par exemple, dans le cas des patchs et capsules, certaines études récentes semblent indiquer que la délivrance du médicament ne se fait pas systématiquement à chaque prise, car le dispositif peut par exemple se fixer à la mauvaise position et avec un mauvais angle.

De plus, ces dispositifs pourraient s’avérer très coûteux à produire, voire ne pas être rentables, surtout s’ils ne sont destinés qu’à une utilisation unique. La question de leur production à grande échelle est donc cruciale et rallongera très probablement l’attente avant leur mise sur le marché.

L’administration de biomédicaments par voie orale restera ainsi sans doute mineure dans les 10 prochaines années, du fait du manque de maturité scientifique et technologique, mais aussi des barrières économiques rencontrées par les approches de formulation et de dispositifs actuels. Toutefois, ses bénéfices pour les patients restent majeurs et les gains pour les systèmes de santé sont potentiellement très importants (gain de temps pour les personnels soignants, hospitalisations, etc.), ce qui continuera à motiver des développements sur le long-terme. Alcimed suit de près les innovations du secteur de la santé et peut vous accompagner dans vos projets liés aux biomédicaments. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos de l’auteur, 

Martin, Consultant senior au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

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