Emergence des Serious Games pour les maladies neurodégénératives : quels business models en France?

Publié le 18 février 2019 Lecture 25 min

Bien que la recherche avance, de nombreuses maladies neurodégénératives restent encore peu comprises et des zones d’ombre persistent. Face au faible nombre de traitements médicamenteux efficaces, des nouvelles modalités de prise en charge sont en train de percer. Parmi celles-ci, les serious games, alias « jeux vidéo sérieux», qui peuvent être à visée thérapeutique. Et si en sortant de votre consultation chez le médecin, étaient prescrites sur votre ordonnance des séances de jeux vidéo ? Retour sur cette tendance qui pourrait radicalement impacter la prise en charge actuelle.

Neurologie : la tendance des serious game

BackUpMemory, Stim’Art Edith, Spaced Retrieval Therapy…les applications ludiques à destination de personnes ayant des troubles cognitifs ne manquent pas. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Tout d’abord, le champ des maladies neurodégénératives restant mal compris, il est confronté à une efficacité limitée de la prise en charge médicamenteuse, laissant du terrain pour de potentielles thérapies alternatives. De plus, le jeu vidéo fait de plus en plus partie intégrante du quotidien des Français, et plus de la moitié des Français âgés de 10 à 65 déclarent jouer régulièrement aux jeux vidéo [1]. Ainsi, même si une personne âgée n’ayant jamais joué de sa vie sur un jeu vidéo pourra rencontrer des difficultés à en utiliser un, la prochaine génération, ayant vécu avec les jeux vidéo, sera beaucoup plus apte à les maitriser sans effort particulier. Enfin, le jeu vidéo répond au besoin de réduction des coûts en santé qui, sans être une problématique nouvelle, est d’autant plus mis en exergue par l’émergence de médicaments au coût exorbitant dans certaines aires thérapeutiques.

Des jeux vidéo certifiés dispositifs médicaux

Les serious games en santé prolifèrent, pourtant leur efficacité est loin d’être systématiquement démontrée. Cela signifie-t-il que la majorité n’est pas efficace ? Pas forcément : il n’est pas toujours aisé d’identifier les bons indicateurs mesurables dans la durée pour prouver l’impact d’un jeu vidéo. Autant sur la maladie de Parkinson il est facilement acceptable que la diminution du tremblement soit un indicateur fiable pour attester de l’efficacité d’un jeu vidéo, autant les indicateurs pour la démence sont moins évidents. Pour l’instant, seulement quelques jeux vidéo ont réussi à démontrer une efficacité via le recueil de données suivant un protocole strict, menant à un marquage CE en tant que dispositif médical de classe I. C’est notamment le cas des applications TOAP Run, destinée aux patients atteints de la maladie de Parkinson, ou X-Torp, pour lutter contre la maladie d’Alzheimer, toutes deux développées par la société GENIOUS Healthcare, expert en thérapies innovantes. Pour obtenir le marquage, la société a réalisé des études cliniques et de fait montré une amélioration de la motricité, de la cognition, de la mémoire ainsi que des effets positifs sur l’humeur, l’apathie, les troubles de la motivation et la qualité de vie du patient. D’autres jeux vidéo sont dans le processus de marquage, avec par exemple Akili Interactive Labs, en attente d’homologation de la FDA aux Etats-Unis pour les troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention chez l’enfant.

Différents business models envisageables

Une fois le marquage dispositif médical obtenu pourrait se poser la question du remboursement. Or actuellement en France, les applications ne font pas partie de la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Mais ce cadre législatif pourrait évoluer, avec la HAS et l’ordre national des médecins qui se sont positionnés en faveur d’un remboursement d’une application pour patients diabétiques en 2017. En attendant, quel business model adopter par les éditeurs ? Les jeux vidéo sont de plus en plus disponibles via des plateformes en ligne, accessibles sur ordinateur, tablette ou smartphone. L’éditeur peut donc opter pour un modèle Freemium, c’est-à-dire permettre aux utilisateurs de télécharger et utiliser l’application gratuitement, tout en proposant un abonnement mensuel pour des services supplémentaires. C’est le parti pris de la plateforme Curapy, permettant d’accéder gratuitement aux jeux thérapeutiques, et d’assurer un suivi de l’évolution moyennant cinq euros par mois, ou de bénéficier en plus de la planification des séances et transmission des résultats à son professionnel de santé moyennant dix euros par mois. L’éditeur de serious game certifié dispositif médical pourrait également proposer l’utilisation de son jeu vidéo à des tarifs moins attrayants via des partenariats avec des mutuelles privées. Celles-ci proposeraient alors un remboursement de l’application en contrepartie du bon usage du jeu vidéo tel que recommandé pour la pathologie. Dans ce cas, l’éditeur pourrait soit opter pour un abonnement mensuel, soit proposer un unique paiement fixe, mais ne profiterait pas dans ce cas de l’aspect chronique de nombreuses maladies neurodégénératives. Une autre possibilité consisterait à concilier les deux, en proposant paiement fixe et somme modique mensuelle pour continuer à utiliser le jeu. Enfin, l’éditeur pourrait proposer un modèle centré sur les hôpitaux ayant un département de neurologie. Dans ce cas, l’application serait payée par le centre hospitalier pour un nombre de patients défini. Ce serait alors le neurologue qui pousserait certains patients spécifiques vers l’utilisation de l’application.

« Il est clair que les jeux vidéo thérapeutiques sont une opportunité incroyable pour répondre aux enjeux médicaux et sociétaux dont relève le vieillissement de la population, en apportant une réponse concrète à la problématique de la réadaptation du parcours de soin en rééducation surtout dans le cadre des maladies neurologiques. Et comme l’enjeu de réduction des coûts est aujourd’hui au cœur des problématiques de santé, l’usage des technologies innovantes représente une piste de réduction des dépenses publiques sérieuse à suivre de très près. Au-delà des hôpitaux, des acteurs comme les EHPAD et maisons de retraite pourraient ainsi voir la tendance se développer pour accompagner les différents symptômes liés au vieillissement.» conclut Marie Rolin, Responsable de Mission chez Alcimed.

[1] Statista

 

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