Santé

4 leviers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’hôpital

Publié le 08 juin 2023 Lecture 25 min

Une prise de conscience de l’urgence climatique s’opère ces dernières années et cela se vérifie également dans le milieu hospitalier, où les initiatives se multiplient. Un premier bilan carbone du secteur français de la santé a été réalisé par le Shift Project en 2021 et estime à près de 8% la part de ce secteur dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises[1]. En parallèle, le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé, en octobre 2021, la création de nouveaux postes de Conseillers en Transition Energétique et Ecologique en Santé. Il s’agit de 150 postes financés par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Les personnes recrutées auront pour mission d’accompagner 5 000 établissements sanitaires et médico-sociaux dans la réduction de leur empreinte carbone. Dans cet article, Alcimed revient sur quatre domaines d’action permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’hôpital, tout en gardant comme priorité la qualité des soins.

Levier n°1 : mettre en place une démarche d’achats responsables en milieu hospitalier

Le premier levier, et peut-être le plus important dans les hôpitaux, est la question des achats. En effet, ils sont en moyenne responsables de plus de 50 % des émissions de gaz à effet de serre d’un hôpital[2]. Les médicaments représentent 33% des émissions carbone du secteur de la santé en France, et les dispositifs médicaux dépassent eux les 20%[1].

Très peu d’analyses de cycles de vie de médicaments sont aujourd’hui réalisées et les enjeux autour de leur fin de vie sont complexes, ce qui freine les hôpitaux qui souhaiteraient mettre en œuvre une démarche d’achats responsables.

La proposition 7.1 de la Convention Citoyenne pour le Climat suggérait de renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics, ce qui impliquerait la mise en place d’indicateurs permettant de comparer les offres entre elles du point de vue écologique. Cette proposition a été reprise dans la loi Climat et impose maintenant aux acheteurs publics de prendre en compte les facteurs environnementaux. La loi Climat n’a en revanche pas repris la notion « d’offre écologiquement la plus avantageuse », qui aurait pu compléter la notion d’ « offre économiquement la plus avantageuse » appliqué aujourd’hui lors des transactions sur les marchés publics. Les centrales d’achats incluent néanmoins peu à peu ces critères dans leur sélection de fournisseurs et intègrent de nouvelles offres à leurs catalogues telles que des véhicules propres, des produits bio ou encore de la vaisselle à usage unique compostable, biosourcée et sans plastique.


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Levier n°2 : réduire les rejets de gaz anesthésiants dans l’atmosphère

Les gaz anesthésiants ont un fort potentiel de réchauffement global. Par exemple, le Desflurane, est utilisé dans les hôpitaux, a un potentiel de réchauffement global 10 fois supérieur à celui d’autres gaz anesthésiants, pouvant être prescrits de manière équivalente à la plupart des patients[3]. Plusieurs établissements de santé, et notamment le CHU de Grenoble ont d’ores et déjà réussi à réduire leur usage de ce type d’anesthésiants fortement émetteurs, sans faire baisser le niveau de qualité des soins. Il est également intéressant de noter que seule une partie du gaz donné au patient est effectivement inhalée, le reste étant aspiré hors de la salle d’opération et rejeté dans l’atmosphère. Plusieurs innovations permettent leur récupération et recyclage, mais elles ne sont pas encore déployées en France. Réduire le débit de gaz frais ou utiliser des masques ne délivrant qu’à l’inspiration sont également des solutions n’ayant pas d’impact sur le patient mais permettant de réduire la quantité utilisée.

Levier n°3 : diminuer les pertes et le gaspillage alimentaire

Un troisième levier important pour améliorer le bilan carbone des hôpitaux est l’alimentation. Un rapport de l’ADEME estime à 20% le taux de pertes et de gaspillage moyen dans la restauration collective[4]. D’après cette étude, les hôpitaux jettent 230 000 tonnes de nourritures, ce taux de gaspillage n’est pas inférieur ou supérieur à celui des autres restaurations collectives (écoles, restaurants, restaurants d’entreprises…), mais le taux est beaucoup plus élevé que dans les foyers français. La loi Egalim impose notamment la lutte contre le gaspillage alimentaire en restauration collective, avec l’obligation de réaliser un diagnostic depuis 2020.

Au Centre Hospitalier de Perpignan par exemple, de nombreuses actions ont été réalisées, permettant de réduire de 75 % le nombre de barquettes encore emballées jetées en 3 ans[5]. Pour cela, les soignants ont réorganisé l’offre alimentaire, en définissant de nouveaux menus et en améliorant le goût et le grammage des portions. Les Hospices Civils de Lyon privilégient, de leur côté, les productions locales et les circuits courts. Ils ont également mis en place le don des repas non distribués à des associations locales.

Levier n°4 : former et mobiliser les professionnels de santé autour de la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’hôpital

La formation des professionnels du secteur de la santé est également un enjeu clé. En effet, une formation solide des acteurs sur ce sujet est un prérequis à la mobilisation des équipes et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’hôpital.
Or, aujourd’hui, il semblerait que les trois-quarts des étudiants en santé ne soient pas formés sur les enjeux climatiques ou environnementaux. Pourtant, la demande est présente puisque 84% des étudiants estiment qu’ils devraient être formés. Néanmoins, des progrès sont en cours en ce qui concerne la formation des professionnels de santé sur les enjeux environnementaux. En effet, à partir de la prochaine rentrée universitaire, les étudiants en médecine auront la chance de recevoir une formation spécifique sur la santé environnementale. Cette formation sera une occasion pour les étudiants de mieux comprendre les enjeux de la transition écologique et du développement durable, ainsi que leur impact sur le système de santé. D’autre part, les formations en ligne et les contenus pédagogiques sur ces sujets sont de plus en plus nombreux et accessibles et permettent aux professionnels de santé de se former tout au long de leur carrière.

Les leviers pour réduire l’empreinte carbone des hôpitaux sont multiples. Nous avons ici exemplifié les gains possibles au niveau des achats, des gaz anesthésiants, de l’alimentation, mais nous aurions également pu citer la gestion de l’énergie ou des déchets, qui sont également des sujets prioritaires concernant la baisse des émissions de gaz à effet de serre à l’hôpital. Les nouvelles réglementations, les innovations technologiques et les initiatives individuelles sont les moteurs d’une transition qui s’accélère, à condition que les professionnels de santé soient formés aux enjeux climatiques. Alcimed peut vous aider à identifier les opportunités qui vous permettront de répondre aux défis de demain. N’hésitez pas à contacter notre équipe !

[1] Décarboner la Santé pour soigner durablement, The Shift Project (2023)
[2] Décarbonation, l’hôpital agit pour le climat, La Veille Acteurs de Santé (2021)
[3] Ryan, S. M., & Nielsen, C. J. (2010). Global Warming Potential of Inhaled Anesthetics. Anesthesia & Analgesia, 111(1), 92‑98
[4] Etat des lieux des masses de gaspillages alimentaires et de sa gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire, ADEME (2016)
[5] Réduire le gaspillage alimentaire à l’hôpital. Optigede, Ademe (2019)


A propos de l’auteur, 

Clémence, Consultante au sein de l’équipe Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed en France

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