Il est temps d’élargir le domaine de la santé de la femme

Publié le 11 décembre 2019 Lecture 25 min

Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, décrit la réémergence de la santé des femmes comme un domaine thérapeutique et analyse l’avenir de la santé des femmes.

Au cours de la dernière décennie aux États-Unis, divers problèmes liés à la façon dont la santé des femmes a été abordée, y compris une tendance aux erreurs de diagnostic et aux diagnostics tardifs, ont été mis en évidence. Cette attention renouvelée a permis la mise en valeur et la transformation du domaine de la santé des femmes en tant qu’aire thérapeutique.

Quels sont les tendances et les enjeux actuels concernant la manière dont la santé des femmes est abordée et pourquoi une amélioration est-elle si nécessaire ?

Des centaines de milliers de femmes ayant partagés leur histoire ont mis en évidence des retards de diagnostics et/ou des diagnostics erronés au cours de leur prise en charge. Pour ne prendre que quelques exemples, l’endométriose, qui affecte 1 femme sur 10 en âge de procréer, prend en moyenne 6 à 10 ans pour être diagnostiquée une fois que les symptômes sont apparus[i][ii]. Pour les maladies cardiovasculaires, les femmes sont susceptibles de recevoir un diagnostic incorrect 1,5 fois plus souvent que les hommes, même après avoir subi un infarctus du myocarde. Dans le cas des AVC, les femmes sont 30% plus susceptibles que les hommes de se présenter avec les symptômes d’un AVC, puis d’être mal diagnostiquées avant d’être renvoyées chez elles. De plus, Il faut en moyenne 5 ans aux femmes atteintes d’une maladie auto-immune, et 5 médecins, pour recevoir un diagnostic correct. Ces diagnostics tardifs et/ou erronés permettent à la maladie de progresser et diminuent la qualité de vie de ces femmes. Ces statistiques sont encore plus inquiétantes pour les femmes de couleur.

En conséquence, bien que l’OMS déclare que le sexe a un impact significatif dans le domaine de la santé, il est évident que notre système de santé n’en tient pas suffisamment compte. Si un peu plus de la moitié de la population américaine est composée de femmes, alors pourquoi existe-t-il un tel écart entre les soins portés aux femmes comparés aux hommes, et comment en sommes-nous arrivés là ?

Pour améliorer ce status quo et faire avancer la santé des femmes, il est important de comprendre comment nous en sommes arrivés à l’état actuel.

Dans le passé, les hommes étaient utilisés comme référence pour la compréhension de la santé humaine et pour la recherche médicale. En 1991, le département américain de la santé et des services sociaux a créé le Bureau de la santé des femmes pour sensibiliser davantage à cette thématique. Il faudra attendre 1993 pour que le Congrès américain adopte une loi exigeant que les essais cliniques incluent également des femmes. Cependant, des études récentes ont conclu qu’il n’y a pas eu suffisamment de progrès dans l’inclusion des femmes. Cela signifie que nous ne comprenons donc toujours pas suffisamment comment la physiologie de la femme affecte sa santé et donc comment la traiter.

En outre, une conception subsiste selon laquelle les femmes sont plus à même de surévaluer leur douleur, sont trop émotives, ou que les symptômes observés font partis du cycle menstruel et ne doivent pas être imputés au traitement. Certaines études soulignent d’ailleurs que les femmes sont moins susceptibles de recevoir des analgésiques ou doivent attendre plus longtemps avant de se les faire prescrire. Serena Williams, sportive émérite, a éprouvé en 2017 des douleurs aux jambes peu de temps après la naissance de sa fille, comme dans le cas de l’embolie pulmonaire dont elle a souffert en 2011. Elle a pourtant eu du mal à recevoir les soins adéquats à son arrivée aux urgences, soulignant à quel point le système de santé n’est pas préparé à reconnaître et à traiter efficacement ces complications post-grossesse. Par ailleurs, l’OMS cite également divers facteurs socioéconomiques qui empêchent les femmes d’obtenir des services de santé de qualité, notamment l’inégalité de pouvoir entre les hommes et les femmes. L’accent est notamment mis sur le rôle reproductif des femmes.

Cependant, fort du constat des résultats du passé et de l’attention grandissante portée à la santé des femmes aujourd’hui, il est heureux de noter qu’il existe actuellement une forte tendance à prendre des mesures afin d’améliorer et d’étendre la santé des femmes en tant qu’aire thérapeutique.

La récente recrudescence du domaine de la santé des femmes résulte d’un intérêt accru dans la façon dont la santé des femmes est gérée et des investissements des sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques dans la santé des femmes en tant qu’aire thérapeutique.

On estime aujourd’hui que le marché de la santé des femmes atteindra plus de 50Mds$ d’ici 2025. Le mouvement visant à améliorer la santé des femmes est dans un momentum positif et continuera de prendre de l’ampleur au cours des prochaines années. D’après Jessica Canavan, consultante senior au sein d’Alcimed, « Plus de 45 startups travaillant dans cette aire ont levé au total 1,1Mds$ et il existe plus de 250 essais cliniques en cours, effectués par des laboratoires de toute tailles ».

Ces données sont en contraste avec celles d’il y a 20 ans, ou seule une poignée de spécialistes s’intéressait au domaine, dont Bayer, Merck, Schering Plough, Serono et Ethicon. Il n’est donc pas surprenant que de nouveaux acteurs et des grands laboratoires tels qu’Allergan, Amgen, AstraZeneca, BMS et Pfizer investissent dans la R&D et la commercialisation de thérapies dans cette aire. Un exemple d’un nouvel acteur est Theramex. Lancé en 2018, il travaille sur une multitude de problèmes lié à la santé des femmes, notamment la fertilité, la contraception, la ménopause, l’ostéoporose etc.

L’inclusion des femmes dans les essais cliniques s’est également accélérée, diverses entreprises se concentrant uniquement sur la mise en relation de femmes aux essais les plus pertinents. Par ailleurs, la R&D et l’innovation autour de la fertilité et de la grossesse ont connues une forte croissance au cours de la dernière décennie avec la suppression du tabou autour du thème de la santé et des menstruations des femmes. Ces innovations prennent de nombreuses formes telles que des applications pour suivre les cycles menstruels et planifier la grossesse, à des outils pour la détection précoce de biomarqueurs pour des maladies telles que l’endométriose ou le cancer du col de l’utérus. Natural Cycles a par exemple développé une application digitale de contrôle de la fertilité. Ava Women, une autre société innovante, à conçu un tracker de fertilité que l’on peut porter sur soi. Enfin, NextGen Jane, utilise du sang provenant des tampons pour détecter précocement les biomarqueurs de diverses maladies. Ces exemples soulignent l’étendue du marché dans la santé des femmes. D’ailleurs, d’après Danna Hargett, responsable de missions au sein d’Alcimed, Orlissa d’AbbVie, approuvée en 2018 pour le traitement de l’endométriose, devrait générer 2Mds$ de ventes dans le monde en 2025.

Quel avenir pour la santé des femmes ?

La santé des femmes en tant qu’aire thérapeutique continuera de croître et restera d’intérêt pour le grand public et l’industrie. Dans les segments les plus classiques de la santé des femmes, tels que la fertilité, l’ostéoporose, l’endométriose et la contraception, de nombreuses innovations et activités sont déjà visibles. Cependant, la santé des femmes est un marché vaste et il existe encore de nombreux besoins non satisfaits laissant de la place pour l’innovation et l’arrivée de nouveaux acteurs en particulier pour développer une réflexion novatrice autour de la santé des femmes et sur la façon de combler l’écart de soin dans les domaines auto-immunitaires, cardiovasculaires et de la douleur. Il existe désormais ainsi un marché pour des entreprises comme ICON qui aide à recruter spécifiquement des femmes pour les essais cliniques, facilitant une transition vers un focus plus large sur la santé des femmes.

[i] Parasar (2017) Endometriosis: Epidemiology, Diagnosis, and Clinical Management. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5737931/

[ii] Shaw (2018) WedMD Health News Article: Why Women Struggle to get the Right Diagnosis https://www.webmd.com/women/news/20180607/why-women-are-getting-misdiagnosed

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