Les sols pollués par les perfluorés, grands oubliés de la réglementation ?

Publié le 27 octobre 2020 Lecture 25 min

La problématique de la pollution par les perfluorés, ou PFAS, n’est pas nouvelle, cette pollution existant depuis aussi longtemps que les industries qui la crée, comme l’industrie de la chimie, et les industries qui l’utilisent, comme l’agroalimentaire ou la cosmétique. Il a cependant fallu attendre le début des années 2000 pour que les effets de ces substances persistantes et nocives, à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement, soient étudiés, et pour que ce qu’on peut appeler le « scandale des PFAS » éclate au grand jour. Alcimed fait le point sur la situation actuelle, notamment sur l’état d’avancement des actions permettant de lutter contre cette pollution.

Les perfluorés (PFAS), c’est quoi ?

Les substances per- et polyfluoroalkyliques, ou perfluorés, ou PFAS, sont un groupe de près de 5 000 substances chimiques différentes, dont les plus connues et étudiées sont les PFOS (ou acide perfluorooctanesulfonique) et les PFOA (ou acide perfluorooctanoïque). Les premiers PFAS ont été produit dès la fin des années 40 aux États-Unis pour des applications de niche dans l’armement. Par la suite, leur utilisation s’est généralisée massivement dans les années 50, quand DuPont les a commercialisés sous l’appellation Teflon, et qu’ils ont été utilisés de manière extensive pour la production de revêtements antiadhésifs pour les ustensiles de cuisine. En quelques années, les PFAS se sont retrouvés ainsi dans des objets et les produits du quotidien présents dans quasiment chaque foyer, notamment dans le téflon mais aussi dans une multitude de produits comme dans les tissus résistants aux taches et à l’eau, les produits de nettoyage, les cosmétiques, les peintures, ou encore les mousses anti-incendie et certains emballages alimentaires.

Par la suite, le nombre d’applications dans lesquelles la grande famille des PFAS est utilisée a augmenté sensiblement jusqu’à ce que ces substances soient partout : dans nos cuisines, nos salles de bain et nos emballages, mais également dans l’air, le sol, l’eau et les organismes vivants où la pollution par les PFAS persiste, notamment à cause de la forte solubilité et de la résistance de ces substances. Les PFAS s’accumulent donc dans l’environnement et dans tous les milieux, jusqu’à contaminer toute la chaîne alimentaire et les organismes vivants, alors même que ces substances sont cataloguées comme des perturbateurs endocriniens et que leur caractère cancérigène a été démontré.

Les origines du scandale : quand le problème des perfluorés éclate au grand jour !

Dès le début de son utilisation, l’impact de ces substances sur la santé humaine a pu être observé, avec de nombreuses maladies développées par les opérateurs au sein des usines les produisant.  Cependant, le scandale des PFAS n’a éclaté que des décennies plus tard à travers l’affaire très médiatisée qui a opposé l’avocat spécialisé en environnement Rob Bilott à l’industriel DuPont aux États-Unis à partir de 2001, affaire ayant notamment inspirée le film « Dark Waters » de Todd Haynes sorti en 2019. C’est notamment cette affaire qui a permis au grand public de prendre conscience du problème majeur causé par la pollution par les PFAS à la fois sur l’environnement et sur la santé humaine.

Des actions s’amorcent pour lutter contre cette pollution dans les eaux et les aliments…

À la lumière de l’impact important de la pollution causée par ces substances, qui restent présentes éternellement dans les milieux contaminés, des mesures de protection ont été amorcées, que ce soit au niveau régional, national ou international. Ainsi, notamment en Europe ou aux États-Unis, ces mesures se concentrent en priorité sur la prévention de nouvelles pollutions, en limitant la production et l’usage des PFAS considérés comme les plus dangereux. C’est par exemple ce sur quoi la Convention de Stockholm et le programme REACH se sont concentrés au niveau européen.

Concernant la pollution en elle-même, la priorité des gouvernements au cours des dernières années semble s’être portée principalement sur la décontamination des eaux, plutôt que celles des autres médiums. Ainsi, de nombreux pays ont mis en place des réglementations spécifiques permettant d’encadrer et d’inciter la dépollution des eaux contaminées, avec notamment un gros travail d’inventaire et détermination de limites pour la pollution. Cette décontamination passe principalement par une absorption par carbone activé ou par une filtration par membrane à haute pression, les procédés de traitements des eaux usuels comme la coagulation, la floculation ou l’oxydation chimique ne permettant pas d’éliminer ces substances de manière substantielle.

Ces actions ne se limitent toutefois pas aux eaux, et afin de limiter l’impact de ces substances sur la santé humaine, une analyse de la présence des PFAS dans les aliments est également réalisée, bien qu’il n’y ait pas de réglementation dédiée avec des seuils maximums à ce jour.

…mais les sols restent majoritairement oubliés dans les réglementations contre les perfluorés

Contrairement à la décontamination de l’eau, à ce jour, la décontamination et la gestion des sols n’ont pas été la priorité des institutions réglementaires. Aujourd’hui, il n’existe pas de réglementation permettant d’encadrer et d’encourager la nécessaire décontamination des sols pollués au niveau européen. Pourtant, les sols pollués sont une source importante de contamination des eaux souterraines, et les inventaires réalisés dans de nombreux pays montrent un pourcentage alarmant de terres polluées. Par exemple, les Pays Bas, parmi les plus avancés sur le sujet en Europe, ont estimé que leur territoire était contaminé à hauteur de 80%. Même si certains pays européens commencent à entreprendre des actions pour décontaminer les sols et à mettre en place des réglementations, notamment en Allemagne ou aux Pays-Bas, pour la majorité des pays, tout reste à faire !


À propos des auteurs

Margot, Consultante Senior dans l’équipe Energie Environnement Mobilité d’Alcimed en France
Jakub, Responsable de l’équipe Energie Environnement Mobilité d’Alcimed en France

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