Agroalimentaire Cross-sectoriel Politiques publiques

Un marché du bio qui fait face à une situation inédite

Publié le 03 février 2023 Lecture 25 min

Le bio est passé en quelques années d’un marché de niche dominé par des exploitations de petite taille à un marché touchant plus de 90% des Français. Les surfaces en bio ont doublé durant les 5 dernières années et de nouveaux acteurs se sont positionnés, produisant de très gros volumes. Or le marché du bio est entré en 2021 dans une situation inédite : pour la première fois dans l’histoire, les ventes en bio s’essoufflent, en particulier chez les acteurs de la grande distribution. Cette diminution des ventes s’est poursuivie sur l’année 2022, avec un recul de 6,3%. Comment expliquer cet essoufflement qui effraie les acteurs du secteur ? Doit-on se préparer à voir la croissance du bio s’essouffler pour de bon ? Alcimed revient sur les facteurs d’évolution du marché du bio en France et analyse les leviers pour y faire face.

Qu’est-ce que l’agriculture biologique ?

L’agriculture biologique est un mode de production ayant recours à des pratiques de culture et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. En effet, restreint l’usage de produits chimiques de synthèse et exclut le recours aux OGM selon un cahier des charges précis par production. Les bénéfices de l’agriculture biologique sont multiples en termes de création d’activités et d’emplois, tout en préservant la qualité des sols, la biodiversité, la qualité de l’air et de l’eau[1] .

Pourquoi le bio se vend moins ?

Une conjoncture défavorable aux achats de produits bio, et un marché du bio de plus en plus saturé

Depuis quelque temps, la tendance s’inverse sur le marché du bio, qui avait toujours connu jusqu’ici une croissance. Ceci n’est pas sans inquiéter les acteurs du secteur qui craignent un déséquilibre du marché, une pression sur les prix et une baisse de la rémunération des producteurs. Mais comment expliquer cette inversion de tendance brutale ? Plusieurs facteurs d’explication le permettent :

  • la crise économique actuelle et l’inflation, qui entraînent une diminution du pouvoir d’achat des consommateurs,
  • un marché de plus en plus saturé suite aux multiples conversions des dernières années, et un désintéressement possible des consommateurs,
  • un début de saturation du marché qui se faisait déjà pressentir en 2019, en particulier sur certains segments comme les œufs et le lait, le marché ne recrutant plus autant qu’avant de nouveaux consommateurs, freinant donc logiquement sa croissance. Mais le confinement de 2020 a bouleversé les modes de consommation et « masqué » cette perte de vitesse. De fait, de nombreuses conversions réalisées  à cette période pour répondre à la demande ont accentué la tendance à la saturation de ces marchés.

Le bio souffre sans doute d’une image moins positive face à la multiplication de certifications ou labels concurrents, ou de l’essor du critère d’un approvisionnement local

Cette décroissance ne touche pas l’ensemble des secteurs dits « premium ». Le meilleur contre-exemple est celui de l’enseigne Grand Frais, spécialiste des produits frais et locaux, qui a choisi de ne pas proposer de produits bio, dont le positionnement prix parait peu attractif a priori, et qui aurait logiquement pu souffrir de l’inflation. Or, au contraire, Grand Frais enregistre une croissance sur l’année 2022. Le bio souffre sans doute d’une image moins positive face à la multiplication de certifications ou labels concurrents, ou de l’essor du critère d’un approvisionnement local. Selon le baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France (Agence Bio, 2021), c’est l’attrait pour des produits locaux non bio, équitables et moins chers, qui explique pourquoi les consommateurs quotidiens de bio n’en consomment pas plus. Cela se traduit par un plus faible enthousiasme des enseignes généralistes vis-à-vis du bio. Carrefour souhaitait par exemple devenir en 2018 le « leader de la démocratisation du bio », d’après les mots de son PDG, Alexandre Bompart. Pourtant, dans son plan stratégique à 5 ans présenté en novembre 2022, la place du bio n’est plus aussi centrale, avec une stratégie axée sur l’agriculture durable, comprenant ainsi le bio, mais aussi les circuits courts, l’approvisionnement frais et local, et d’autres types de certifications comme HVE (Haute Valeur Environnementale), des productions dont les cahiers des charges ne sont pas tous aussi exigeants.

Crise du bio : quelles solutions pour les acteurs des filières biologiques ?

Un des leviers consiste à développer la transformation des produits bio, les produits transformés bio ne connaissant pas la même saturation et décroissance des ventes que les produits frais.

La nouvelle PAC 2023-2027 a supprimé l’aide au maintien de l’agriculture biologique. Certaines régions comme la Nouvelle-Aquitaine ont débloqué des enveloppes exceptionnelles pour compenser, mais celles-ci sont temporaires. Le bio entrainant des rendements jusqu’à 25% inférieurs à l’agriculture conventionnelle, ces aides sont indispensables pour éviter les déconversions.

Afin d’éviter une crise trop forte entrainant de possibles déconversions, un des leviers consiste à développer la transformation des produits bio, les produits transformés bio ne connaissant pas la même saturation et décroissance des ventes que les produits frais. Les industries de transformation, pour la plupart des PME en zones rurales, sont bien moins développées dans les filières bio que conventionnelles. Elles ont souvent peu de moyens d’investissement pour innover et se développer sur un marché en croissance. Il s’agirait donc de les accompagner dans ce développement, afin de créer de nouveaux débouchés et de mieux répartir la valeur ajoutée tout au long des chaines de production et de valeur. Cela permettrait également de créer de l’emploi (notamment en zones rurales), de mieux répondre aux attentes des consommateurs et des acheteurs de la restauration collective, et de diminuer les importations (deux tiers des produits bio importés sont transformés), voire de gagner des parts de marché à l’exportation.

D’autre part, le Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a très récemment indiqué le 6 décembre 2022 qu’une enveloppe de 15M€ serait allouée au soutien de l’agriculture biologique. Ce budget devrait être utilisé pour améliorer la compréhension de l’état des filières et évaluer les besoins[2].

L’essoufflement du marché du bio s’explique donc en partie par des facteurs conjoncturels, mais également par des facteurs structurels liés au fonctionnement du marché français. Aussi, il y a urgence à mettre en place des stratégies de diversification pour éviter une crise trop importante et pérenniser les acteurs des filières biologiques, et en particulier les producteurs qui restent des pionniers historiques et les ambassadeurs de la transition vers une agriculture plus durable. Parmi les solutions possibles, développer la transformation des produits bio bruts semble un enjeu de premier plan, mais de nombreuses autres pistes mériteraient d’être creusées, et Alcimed est là pour vous accompagner ! N’hésitez pas à contacter notre équipe pour échanger plus en détails sur le sujet !

[1] Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
[2] Aides supplémentaires pour la filière bio, en crise (2022, 6 décembre). Web-agri.fr.


A propos de l’auteur, 

Roxane, Consultante sénior au sein de l’équipe Innovation et Politiques publiques d’Alcimed en France

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