Médicaments innovants et nouveaux modèles de remboursement basé sur les résultats : une nécessité ?

Publié le 19 mai 2020 Lecture 25 min

Les nouveaux médicaments innovants coûtent chers. Il s’agit par exemple des médicaments issus de thérapies innovantes, telles que les thérapies géniques et cellulaires, ainsi que tous les médicaments et produits liés à la médecine de précision. Ils permettent de traiter et soigner des maladies jusqu’alors incurables. Cependant, ces innovations vont souvent de pair avec des prix élevés. Certains de ces traitements peuvent même dépasser le million d’euros par patient. C’est par exemple le cas du Zolgensma, un médicament de thérapie génique d’AveXis (Novartis) prescrit dans le traitement de l’amyotrophie spinale, qui a été approuvé en 2019 par la FDA. Un tel niveau de prix pose bien évidemment la question de la capacité des systèmes de santé nationaux à financer ces médicaments, notamment lorsque ceux-ci ne sont efficaces que dans certains cas seulement. Dans un modèle de remboursement basé sur les volumes [1], les médecins pourraient être réticents à prescrire de tels médicaments à des prix très élevés sans savoir s’ils seront efficaces sur leurs patients. En conséquence, le développement de ces nouveaux médicaments innovants nécessite de penser au-delà du modèle de remboursement traditionnel basé sur le volume pour aller vers un modèle de remboursement basé sur les résultats [2], dans lequel les médicaments coûteux et à efficacité sélective pourraient être prescrits dans un plus grand nombre de cas, même en cas de doute sur la réponse qu’ils pourraient apporter.

Le modèle de remboursement basé sur les résultats pour les médicaments innovants : un modèle gagnant-gagnant ?

Un modèle de remboursement basé sur les résultats rémunère le fabricant du médicament seulement lorsque le traitement est un succès et peut produire des résultats positifs sur l’état de santé du patient. Le prix du médicament est fixé selon les bénéfices qu’il apporte aux patients. Il existe plusieurs types de modèles de remboursement basé sur les résultats dont voici quelques exemples :

– Le partage des coûts : dans ce cas, le fabricant du médicament accorde une réduction totale ou partielle à l’organisme payeur sur les cycles initiaux du traitement pour les patients éligibles ;

– Le partage des risques : le fabricant du médicament accorde un remboursement partiel des coûts à l’organisme payeur pour les patients ne répondant pas au traitement ;

– Rémunération au succès : le paiement est dû au fabricant seulement pour les patients répondant positivement au traitement ;

– Paiement aux résultats : le fabricant du médicament rembourse l’organisme payeur en intégralité pour les patients ne répondant pas au traitement.

Les bénéfices d’un modèle de remboursement basé sur les résultats sont nombreux. Tout d’abord, cela facilite l’accès aux médicaments innovants et coûteux grâce à l’accélération des négociations de remboursement entre les fabricants et les organismes payeurs. Deuxièmement, cela permet de créer une collaboration plus étroite entre les fabricants et les organismes payeurs. Enfin, les médecins disposent de plus d’options thérapeutiques, avec une plus grande transparence sur les coûts et bénéfices liés.

Une évolution en cours dans plusieurs pays et encouragée par les entreprises pharmaceutiques elles-mêmes

Les fabricants de médicaments eux-mêmes sont à l’initiative de projets de remboursement basé sur les résultats. Roche a par exemple lancé le projet « Modèle de remboursement personnalisé » (Personalized Reimbursement Model – PRM) dans plusieurs pays. L’objectif est de fixer le prix des médicaments en fonction des bénéfices qu’ils apportent aux patients pour différentes indications. La flexibilité apportée par ce modèle de fixation des prix permet d’assurer aux patients l’accès à des médicaments innovants de manière durable.

En France, certaines entreprises pharmaceutiques sont rémunérées selon l’efficacité de leur traitement sur la base de contrats de performance signés avec les autorités publiques compétentes. C’est par exemple le cas d’un médicament développé par Celgene contre le myélome multiple coûtant 8 900 € par mois et n’étant efficace que dans un tiers des cas. Un second exemple est celui d’un médicament commercialisé par Gilead contre l’hépatite C, coûtant 41 000 € par patient pour un traitement de 12 semaines et n’apportant une valeur ajoutée significative que pour 5% des patients, une valeur ajoutée relative dans 35% des cas et aucune valeur ajoutée dans 60% des cas.

Un des pays les plus avancés dans la mise en œuvre de modèles de remboursement basés sur les résultats est l’Italie. En effet, depuis 2006, l’Agence italienne du médicament (AIFA) expérimente différents contrats de performance pour certains types de médicaments. Un des derniers exemples en date concerne la thérapie cellulaire CAR-T contre la leucémie Kymriah développée par Novartis. La nouveauté réside dans le fait que les paiements au fabricant du médicament se font en trois échéances : au moment du démarrage du traitement, au cours du traitement et à la cinquième année de survie du patient. Depuis 2019, ce même traitement fait également l’objet d’un contrat de performance en Allemagne. Le coût du traitement (320 000 € par patient) est partagé entre l’assurance maladie et Novartis.

Un modèle de remboursement pour les médicaments innovants qui nécessite des adaptations

Bien que le remboursement des médicaments en fonction de leurs résultats permette un accès accéléré aux thérapies innovantes, il nécessite une adaptation du système de santé afin de pouvoir mesurer les bénéfices des thérapies sur les patients. Il est donc nécessaire d’établir une coopération étroite entre les fabricants de médicaments et les structures de santé afin de suivre l’état de santé des patients en temps réel. Les données ainsi collectées permettent de déterminer le nombre de patients ne répondant pas au traitement et donc le montant à payer au fabricant ou le montant que ce dernier doit rembourser. Ces données de santé doivent être traitées de façon à assurer la confidentialité des patients, ce qui nécessite l’intervention d’une tierce partie.

De plus, il est nécessaire que soient définis clairement les critères de succès d’un traitement entre les organismes payeurs et les fabricants. Cela n’est cependant pas toujours facile, notamment dans le cas des maladies chroniques où les critères peuvent être peu clairs et laisser place à l’interprétation. A l’inverse, il semble plus aisé de déterminer les critères de succès d’un traitement en oncologie. La survie au-delà d’une période de temps donnée est un indicateur incontesté.

En outre, dans un modèle de remboursement basé sur les résultats, il est possible de penser que les médecins pourraient commencer à prescrire des médicaments sans avoir conduit suffisamment de tests préalables auprès de patients potentiels. Enfin, le prix d’un traitement obtenant des résultats positifs pourrait s’avérer probablement plus élevé que dans le cas d’un modèle de remboursement basé sur le volume si le fabricant prend en charge partiellement ou totalement le risque financier des patients ne répondant pas au traitement.

 

Un tel modèle de remboursement pour les médicaments innovants est déjà une réalité dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis où de nombreux accords sont négociés entre les entreprises pharmaceutiques et les organismes payeurs. Le modèle est également arrivé en Chine depuis 2014 où plusieurs fabricants ont tenté des modèles de paiement aux résultats, mais uniquement sur le marché des médicaments à la charge des patients. Ce modèle a de nombreux avantages mais il nécessite sans aucun doute d’affronter certaines questions telles que la collecte massive de données de santé – qui malgré tous les enjeux qu’elle soulève pourrait servir à la recherche thérapeutique – et la manière dont est suivi l’état de santé des patients. Alcimed est prêt à accompagner ses clients dans les défis liés à cette évolution !

[1] Un modèle de remboursement base sur les volumes rémunère le fabricant du médicament en fonction du nombre de médicaments prescrit.
[2] Un modèle de remboursement base sur les résultats rémunère le fabricant du médicament non pas selon le nombre de médicaments prescrits mais selon les bénéfices qu’il apporte au patient.

A propos de l’auteur

Diane, Consultante Senior dans l’équipe Santé d’Alcimed en Allemagne

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