Santé

Nouveau système ATU : quels changements pour les laboratoires pharmaceutiques en 2021 ?

Publié le 19 avril 2021 Lecture 25 min

Le dispositif des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) permet à des patients atteints de pathologies graves d’obtenir un accès précoce à des médicaments innovants. Ayant longtemps été considéré comme une force du modèle français, ce dispositif ATU est aujourd’hui devenu extrêmement complexe pour les entreprises du médicament en raison des constantes évolutions législatives. L’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (PLFSS 2021) paru en octobre 2020, propose une refonte globale des dispositifs actuels d’accès dérogatoire au médicament, en réorganisant l’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) autour de deux grandes nouvelles catégories d’accès : l’accès précoce et l’accès compassionnel. Dans cet article nous vous proposons de décrypter les grands changements de ces dispositifs et leurs conséquences pour les laboratoires pharmaceutiques.

Le système d’autorisation temporaire d’utilisation des médicaments (ATU) : une opportunité pour les patients

En France, le temps moyen entre l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et la commercialisation d’un médicament est d’environ 500 jours : un délai relativement long pour des patients en urgence vitale ou atteints d’une pathologie rare, grave ou invalidante pour laquelle il n’existe pas d’alternative thérapeutique.

Pour répondre à ces besoins, le système français prévoit une procédure exceptionnelle de mise à disposition de médicaments n’ayant pas d’AMM ou n’étant pas encore pris en charge : les ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation).

Ce dispositif avait été initié en 1994 afin de mettre les produits anti-VIH à disposition des patients (LEEM). Aujourd’hui, les ATU délivrées visent principalement des médicaments anticancéreux (ANSM).

En effet, en 2020, 45% des 29 spécialités ayant été autorisées dans le cadre des ATU de cohorte sont dans le domaine de la cancérologie (ANSM). Alors que des innovations prometteuses mais coûteuses telle que la thérapie CAR-T cell arrivent sur le marché, des ajustements apparaissent nécessaires afin de préserver la pérennité, l’excellence et l’attractivité du dispositif des ATU, et ainsi de garantir aux patients français un accès rapide aux innovations.

C’est dans ce contexte que ce dispositif a récemment été révisé à travers l’article 38 du PLFSS 2021 et ainsi réorganisé les 5 catégories ATU actuelles (autorisations temporaires d’utilisation (ATU) nominatives, ATU de cohorte, ATU en extension d’indication, post-ATU, accès direct post-AMM) autour de deux grands dispositifs d’accès :

  • un dispositif d’autorisation d’accès précoce (AAP) pour les médicaments susceptibles d’être innovant avant leur autorisation de mise sur le marché
  • un dispositif d’autorisation d’accès compassionnel (AAC) pour les médicaments qui ne sont pas destinés à obtenir une AMM mais qui répondent pour une situation précise à un besoin thérapeutique.

L’Autorisation d’Accès Précoce (AAP) : fusion des systèmes ATU de cohorte et post-ATU

Le nouvel article L. 5121-12, définit l’accès « précoce » comme suit :

« l’utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments, dans des indications thérapeutiques précises, destinés à traiter des maladies, rares ou invalidantes »

Les conditions d’attribution de l’autorisation d’accès précoce reprennent celles de l’ATU de cohorte (absence de traitement approprié, caractère urgent de la mise en œuvre du traitement, forte présomption d’efficacité au vu de résultats d’essais cliniques) en ajoutant toutefois que, pour en bénéficier, le médicament doit être présumé innovant, « notamment au regard d’un éventuel comparateur cliniquement pertinent ».

Cependant, l’absence de précisions dans le PLFSS 2021 à ce sujet lève des interrogations sur les modalités d’évaluation de cette condition de présomption d’innovation. Cette nouvelle condition pourrait s’accompagner d’une sélection plus sévère à l’entrée par rapport à l’ancienne procédure.

L’AAP peut être attribuée:

  • aux médicaments n’ayant pas encore d’AMM dans l’indication considérée mais dont l’industriel a déjà déposé un dossier d’obtention (correspondant à l’ancien modèle ATU de cohorte)
  • aux médicaments disposant d’une AMM mais n’étant pas encore commercialisé pour l’indication considérée, i.e non inscrit sur la liste des spécialités remboursables (correspondant à l’ancien modèle de post-ATU).

Cette seconde option n’est applicable que si l’industriel dépose une demande d’inscription au remboursement dans un délai d’un mois suivant l’obtention de l’AMM.

La transformation de l’ATU de cohorte et du post-ATU en un unique dispositif d’accès précoce simplifiera fortement la lisibilité et la mise en pratique du système pour les industriels.

Contrairement à l’ancien système d’ATU qui était exclusivement évalué par l’ANSM, l’AAP serait accordée par la Haute Autorité de Santé (HAS), après avis de l’ANSM. Autre nouveauté, les délais d’entrée dans le dispositif d’accès précoce devraient être plus rapides et ne pas dépasser 80 jours alors qu’ils sont aujourd’hui en moyenne de 135 jours pour les ATU de cohorte.

Par ailleurs, l’AAP est subordonnée au respect, par l’industriel, d’un protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) et de recueil des données défini par la HAS (précédemment établi par l’ANSM dans l’ancien système) ; des données telles que l’efficacité, les effets indésirables ou encore les conditions réelles d’utilisation du médicament y sont collectées.

Ces nouvelles interventions de la HAS, dans l’évaluation de l’AAP et dans le PUT, démontrent une ambition de renforcer l’encadrement et de mieux contrôler la présomption d’efficacité du médicament dès le dépôt. Cela pourrait ainsi avoir comme avantage de limiter les interruptions de parcours de spécialités qui, précédemment autorisées par l’ANSM dans l’ancien système, pouvaient voir leur demande d’inscription au remboursement rejetée par la HAS. En effet, ce nouveau rôle de la HAS pourrait renforcer le durcissement de la sélection, lié au nouveau critère d’innovation, des médicaments pouvant bénéficier d’un accès précoce.

Quant au mode de financement des traitements, il est toujours pris en charge par l’assurance maladie. Dans ce nouveau système, l’industriel fixe le prix du médicament en déterminant une indemnité maximale. Cette indemnité sera réajustée au moment de la fixation du prix net de référence par le CEPS (Comité économique des produits de santé) sous forme de remise. Le PLFSS 2021 a ainsi supprimé certains mécanismes de remises participant ainsi à une simplification de la régulation financière du dispositif d’accès précoce.

L’Autorisation d’Accès Compassionnel (AAC) : transformation des ATU nominatives

Les ATU nominatives s’apparentaient de plus en plus à des traitements « compassionnels », prescrits par un médecin en considération d’une évaluation avantages-risques, mais dont l’effet bénéfique ne peut toutefois se déduire d’un essai clinique.

En réponse à ce constat, le nouvel article L. 5121-12-1 introduit la possibilité d’un « accès compassionnel de certains médicaments », non nécessairement innovants, qui ne sont pas forcément destinés à obtenir une AMM dans l’indication concernée mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique. L’AAC peut ainsi être attribuée à un patient nommément désigné lorsqu’il n’existe aucun traitement approprié dans l’indication considérée et lorsque le médicament visé voit son efficacité et sa sécurité présumées et ne fait pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine.

Tout comme l’ATU nominative, l’AAC est octroyée à la demande d’un médecin prescripteur, pour une durée d’un an renouvelable, après autorisation de l’ANSM pour un médicament ne disposant pas d’AMM dans aucune indication thérapeutique.

Fait nouveau, l’AAC peut aussi être autorisée pour un médicament disposant d’une AMM dans une autre indication que celle considérée, à la condition d’avoir fait l’objet d’un arrêt de commercialisation.

Tout comme l’AAP, chaque AAC est associée à un protocole d’utilisation temporaire établi par laboratoire et validé par l’ANSM (et non la HAS comme dans le cas de l’AAP), dont le recueil de données est à la charge du laboratoire. Ce dernier doit ainsi être informé de la mise en place d’une AAC par l’ANSM mais n’est pas impliqué dans la sélection du patient.

L’article 38 du PLFSS met en œuvre la refonte des dispositifs des Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU). Cette révision représente une opportunité pour les patients en leur permettant un accès plus rapide aux médicaments innovants mais aussi aux acteurs de l’industrie de la santé en leur donnant une visibilité plus claire du dispositif. Un dispositif qui se veut plus rapide mais aussi plus simple, notamment en ce qui concerne les régulations financières. Point de vigilance cependant sur le durcissement des critères de sélection et du rôle croissant de la HAS dans le choix des médicaments pouvant bénéficier d’un accès précoce. Il est prévu que les dispositions encadrant l’accès précoce et l’accès compassionnel entrent en vigueur au plus tard le 1er juillet 2021. Chez Alcimed, nous nous tenons prêt à accompagner nos clients dans la construction de leur futur projet d’autorisation d’accès temporaire !


A propos de l’auteur
Eugénie, Consultante dans l’équipe Santé d’Alcimed en France

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