Santé

Le rôle grandissant du pharmacien dans le parcours patient : quelles implications pour les laboratoires pharmaceutiques ?

Publié le 09 février 2020 Lecture 25 min

Sur le marché des médicaments hors et sur ordonnance, le rôle du pharmacien croît dans plusieurs pays européens. Alcimed, société de conseil spécialisée en innovation, se penche sur cette évolution, ses orientations, ses barrières, ainsi que sur ses implications pour les industriels pharmaceutiques.

Le réseau européen des 160 000 pharmacies de ville détient un fort potentiel dans l’amélioration des services de santé pour les 46 millions de citoyens qui s’y rendent chaque jour [1]. En effet, avec leurs horaires flexibles, leur proximité (56% des Européens habitent à moins de 5 minutes de la pharmacie la plus proche de chez eux, 98% à moins de 30 minutes) et la variété des services proposés par leurs officines, les 400 000 pharmaciens de ville sont d’importants acteurs du parcours patient. Afin d’améliorer l’expérience patient, les industriels pharmaceutiques pourraient s’appuyer sur ces interlocuteurs déterminants en développant des initiatives dédiées à la pharmacie.

L’évolution du rôle du pharmacien

S’appuyer davantage sur le pharmacien est un des moyens utilisés pour soulager les médecins généralistes. Ces derniers représentent en effet le point de contact favori pour beaucoup de patients. Toutefois ce modèle devient de moins en moins viable dans un contexte de vieillissement de la population et d’une prévalence croissante des maladies chroniques associés à un nombre de praticiens limités. Pour réduire cette pression, les pays européens commencent à élargir les prérogatives du pharmacien tout au long du parcours patient.

En effet, le rôle des pharmaciens ne se limite plus à la distribution de médicaments mais s’étend maintenant au dépistage et à la consultation. Ainsi, parmi les services les plus répandus proposés par les pharmaciens, on trouve la dispensation des procédures générales de dépistage (mesure de la glycémie, de l’indice de masse corporelle, du taux de glycémie, et du taux de cholestérol) ou le soutien au sevrage tabagique, possible dans 20 pays en Europe [2].  En outre, dans plus de la moitié des pays européens, les pharmaciens proposent des programmes de gestion des maladies chroniques pour le diabète, l’asthme et l’hypertension visant à améliorer le suivi des patients. L’éducation pour une consommation rationnelle des médicaments via des brochures spécifiquement réalisées pour les nouveaux patients et ceux qui sont déjà sous traitement, est un autre exemple de l’éventail de services proposés par le pharmacien. Enfin, la consultation est un service de plus en plus fréquent comme dans 90% des officines britanniques qui disposent d’une salle de consultation privative [3].

Outre ces nouveaux rôles du pharmacien, ce dernier se voit aussi confier de plus en plus de responsabilité dans le parcours patient tels que la vaccination ou le renouvellement de prescription. Ainsi, lors de la campagne pilote de vaccination contre la grippe en 2017 dans deux régions françaises, la Nouvelle-Aquitaine et l’Auvergne-Rhône-Alpes, 5000 pharmaciens ont été formés et ont vacciné 150 000 personnes sur les 6 mois couvrant la saison de la grippe [4]. Ce pilote a été inspiré de l’exemple des pays européens qui autorisent les pharmaciens à pratiquer les injections antigrippales tels que le Royaume-Uni, l’Irlande ou le Portugal [5]. De plus, le Royaume-Uni autorise même certains pharmaciens disposant d’un statut particulier à prescrire des médicaments dans la limite de leurs compétences cliniques [5].

Cet élargissement du rôle du pharmacien s’avère déjà bénéfique pour les patients. Ainsi, le programme britannique New Medicine Service a permis d’augmenter de 10% l’observance thérapeutique des patients, et ce, avec une satisfaction élevée (le programme New Medicine Service a reçu une note moyenne de 8,7/10) [1].

Nous observons que les pharmaciens ont la volonté de prendre une plus grande part de responsabilité dans le parcours patient en prodiguant par exemple leur conseil sur la prise simultanée de plusieurs médicaments ou sur les risques et effets indésirables de certains traitements. Cependant, les pharmaciens manquent souvent de temps pour discuter de manière approfondie avec chaque patient. » commente Maryia DVARETSKAYA, Project Manager chez Alcimed.

Le manque ou l’insuffisance de remboursement et le nombre limité de ressources disponibles ralentissent le développement des services en pharmacie. En effet, la dispensation de ces services empiète sur le temps du pharmacien dédié à la distribution des médicaments. Le coût de renonciation associé à cette offre de services est particulièrement élevé dans les petites pharmacies rurales gérées par un seul pharmacien. Certains pays ont donc développé des schémas spécifiques de remboursement des services en pharmacie au niveau national comme le Royaume-Uni, mais dans d’autres pays comme la France, ce remboursement est jugé insuffisant, voire inexistant comme en Allemagne.

Les opportunités à saisir et les défis à relever par les acteurs de l’industrie pharmaceutique

Le rôle grandissant du pharmacien représente une opportunité pour les industriels pharmaceutiques dans la mise en place d’initiatives centrées autour du patient.

Selon Maryia DVARETSKAYA, « les entreprises pharmaceutiques explorent de plus en plus la possibilité d’améliorer le parcours patient en s’appuyant davantage sur les pharmaciens ».

Ainsi, ces acteurs qui tendent à améliorer l’expérience patient grâce aux médicaments qu’ils produisent, souhaitent aussi déployer des initiatives au niveau de la pharmacie telles que des campagnes de sensibilisation, de recrutement de patients à des programmes de soutien, ou la mise en place de messages contextuels informant sur les posologies dans le logiciel de la pharmacie.

Cependant, le succès de la construction de ce type de partenariat nécessite de suive un cadre légal et structurel spécifique. En effet, les entreprises doivent respecter la législation européenne, nationale et les règles d’autodiscipline interdisant la promotion des médicaments sous prescription auprès du grand public et structurer la manière dont elles peuvent s’adresser aux pharmaciens. De plus, la possibilité de se rapprocher des pharmacies communautaires (potentiellement via les chaînes de pharmacies ou les groupes de pharmacies) dépend énormément de la structure de propriété et du niveau de libéralisation du secteur. Enfin, comme les industriels pharmaceutiques ont généralement un faible historique en termes de partenariat avec les pharmacies pour les médicaments soumis à prescription, ils manquent d’expérience et de ressources pour en assurer le succès.

L’expansion du rôle du pharmacien au niveau des pharmacies de proximité en Europe permet à ces acteurs de prendre un rôle plus important dans le parcours patient et donc de devenir de potentiels partenaires très intéressants. Les industriels pharmaceutiques devront décoder et saisir les opportunités qui en découlent en développant des initiatives à forte valeur ajoutée tout en prenant en compte les contraintes juridiques associées, le positionnement des pharmaciens et le concept de « patient centricity ».

[1] https://www.oecd.org/els/health-systems/Item-2b-Overview-Community-Pharmacy-Services-Svarcaite%20.pdf
[2] https://www.federfarma.it/Documenti/Rapporto_annuale2016.aspx
[3] https://www.england.nhs.uk/primary-care/pharmacy/stay-well-pharmacy-campaign/
[4] https://www.pgeu.eu/wp-content/uploads/2019/04/PGEU-AR-2017-WEB.pdf
[5] https://www.pharmacyregulation.org/education/pharmacist-independent-prescriber

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