Santé

Les 5 enjeux de la nouvelle réforme de la législation pharmaceutique de l’UE

Publié le 22 mai 2023 Lecture 25 min

L’industrie pharmaceutique est l’une des industries les plus réglementées, avec des directives strictes pour le développement, la fabrication, et la distribution des médicaments. En Europe, le cadre réglementaire est régi par la Commission européenne qui supervise l’approbation des médicaments destinés à être utilisés dans l’ensemble de l’Union européenne (UE). En outre, l’institution propose et modifie la réglementation relative au secteur pharmaceutique, met en œuvre des mesures et l’application précise de la législation pharmaceutique de l’UE, collabore avec des partenaires internationaux pertinents et défend le système de l’UE à l’échelle mondiale.
Le 26 avril 2023, la Commission européenne a adopté une proposition de révision de la réglementation sur les produits pharmaceutiques, qui apporte un certain nombre de changements significatifs à l’industrie. Cette révision constitue la plus grande réforme depuis plus de 20 ans, mais doit encore être approuvée par le Parlement européen. Son objectif est d’accroître la disponibilité, l’accessibilité, et le caractère abordable des médicaments, ainsi que de veiller à ce que l’industrie pharmaceutique de l’UE reste un secteur compétitif, attrayant et innovant. Dans cet article, Alcimed explore cinq enjeux clés de ce nouveau règlement et leur impact sur l’industrie pharmaceutique ainsi que les questions qui vont nécessairement émerger pour les décideurs de cette industrie.

Enjeu n°1 : réduire l’exclusivité temporelle et permettre une disponibilité plus précoce des génériques et des biosimilaires

L’un des changements les plus importants apportés par la nouvelle proposition de réglementation est la réduction de la période d’exclusivité pour un médicament. La période minimale de protection réglementaire sera abaissée de 10 à 8 ans. Toutefois, les industries pharmaceutiques pourront toujours bénéficier d’une période d’exclusivité prolongée (jusque 12 ans au total, soit 4 ans supplémentaires) si :

  • Le médicament répond à un besoin médical non satisfait
  • Des essais cliniques comparatifs sont menés
  • Les produits sont lancés dans un plus grand nombre de pays
  • De multiples indications sont considérées dans le développement

Ainsi les industriels seront amenés à revoir leur stratégie de recherche, de développement et de mise sur le marché afin de satisfaire ces critères d’éligibilité à l’extension de la durée de protection. Cependant, satisfaire ces critères représentera un véritable challenge pour les laboratoires pharmaceutiques. Un premier exemple de ce challenge repose sur la notion d’essais comparatifs, pas toujours pertinente dans les maladies rares mais aussi globalement plus risquées pour les laboratoires. Un second exemple sera le lancement dans les 27 pays de l’UE en 2 ans qui demandera une excellence commerciale et opérationnelle importante sachant qu’aujourd’hui les lancements dans tous ces pays se font sur des temps plus longs voire bien plus longs. Quid ensuite des entreprises n’ayant pas d’empreinte dans certains de ces pays ? Cela nécessitera probablement de revoir la stratégie de distribution dans les Pays Européens non couverts.

Au-delà de cette réduction de la durée de protection, les industries pharmaceutiques devront s’attendre à des lancements plus précoces de génériques et de biosimilaires. Ces deux facteurs combinés peuvent amener à une perte potentielle de revenus et conduiront les décideurs de l’industrie à revoir rapidement, si ce texte est adopté, leurs prévisions de chiffre d’affaires et de profitabilité à 10 ans.

Enjeu n°2 : mettre fin aux pénuries de médicaments et garantir la sécurité de l’approvisionnement

La réforme sur la législation pharmaceutique de l’UE vise à remédier aux pénuries de médicaments et aux faiblesses de la chaîne d’approvisionnement afin de garantir la disponibilité des médicaments essentiels et de veiller à ce que les patients aient toujours accès aux médicaments, quel que soit leur lieu de résidence dans l’UE. Pour ce faire, la nouvelle réglementation exigera des autorités nationales et de l’Agence européenne des médicaments (EMA) qu’elles surveillent les ruptures de stock de médicaments et que les industriels remplissent des obligations plus strictes, notamment en signalant rapidement les problèmes d’approvisionnement et retraits de médicaments, en retirant les médicaments en cas de besoin, et en élaborant des plans de prévention des pénuries. Un catalogue des médicaments essentiels sera établi pour l’ensemble de l’UE, avec une évaluation des faiblesses de la chaîne d’approvisionnement afin de conseiller les entreprises et les autres parties prenantes sur les mesures spécifiques à prendre.

En conséquence, les industriels du secteur pharmaceutique pourraient être amenés à divulguer leurs pénuries à leurs concurrents, révélant ainsi leurs faiblesses ou du moins l’écart avec la situation souhaitée au niveau industriel. Toutefois, ces démarches peuvent également être transformées en opportunités : comment faire de plans solides de sécurisation des approvisionnements un atout pour gagner les appels d’offres ?

Enjeu n°3 : rendre les médicaments plus durables d’un point de vue environnemental

Les lois actualisées ont pour objectif de promouvoir la durabilité environnementale des médicaments en améliorant la mise en œuvre des réglementations environnementales existantes et en obligeant les fabricants de médicaments à divulguer leurs résidus. Ces mesures visent à accroître la sensibilisation écologique et à minimiser tout impact environnemental potentiellement néfaste, tout en motivant les industriels à intégrer des pratiques respectueuses de l’environnement dans leurs processus de production. En ce sens, la réglementation fournira une incentive supplémentaire pour travailler la question de l’impact environnemental des industries de santé.

Enjeu n°4 : lutter contre la résistance aux antimicrobiens (RAM) grâce à l’initiative « One Health »

La réglementation révisée met l’accent sur la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, qui constitue l’une des principales menaces pour la santé dans l’UE. Cette nouvelle approche vise à encourager les investissements dans ce domaine et à contribuer à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, car elle incitera les entreprises à investir dans le développement de nouveaux antimicrobiens capables de traiter efficacement les agents pathogènes résistants et à se concentrer ainsi sur l’innovation en matière d’antibiotiques. La recherche sera encouragée par des bons transférables qui permettront d’accélérer les procédures réglementaires. Nous pensons que cette réglementation va participer à continuer de façonner la tendance de fond autour de la recherche d’opportunités en R&D ou en Business development dans ce domaine.

Le texte propose également une recommandation du Conseil qui promeut une approche « One Health », intégrant ainsi la santé humaine, la santé animale et l’environnement. Cette proposition soutient l’utilisation responsable des antimicrobiens en fixant des objectifs mesurables qui tiennent compte des situations nationales, et vise à améliorer la sensibilisation du public et la formation des professionnels, tout en encourageant la coopération entre les parties prenantes.

Enjeu n°5 : simplifier les procédures administratives et assurer la transparence sur le financement du développement de médicaments

Le dernier enjeu de la réforme sur la législation pharmaceutique de l’UE est la réduction de la charge administrative. Cette dernière propose d’accélérer l’évaluation scientifique et le processus d’autorisation des médicaments, en réduisant le délai moyen de 400 jours à 180 jours pour les procédures d’autorisation de l’EMA. En outre, la révision de réglementation vise à créer un environnement réglementaire qui favorise l’innovation et offre un meilleur soutien réglementaire et scientifique précoce.

Des procédures simplifiées seront introduites pour les médicaments prometteurs, et la numérisation sera adoptée, comme la soumission électronique des demandes et l’information électronique sur les produits.

Si cette mesure se concrétisait, l’impact premier serait alors pour les filiales de se préparer à lancer plus tôt qu’aujourd’hui, ce qui serait un vrai enjeu notamment pour les plus petites filiales qui souvent préparent les lancements peu de temps avant le lancement effectif.

Enfin, la réforme introduira également la transparence du financement public du développement des médicaments, et la production de données cliniques comparatives sera encouragée. Il sera alors intéressant, une fois ces données collectées, de regarder qui sont les acteurs bénéficiant le plus de fonds publics pour le financement de leur R&D en Europe.

En conclusion, si la nouvelle réforme de la législation pharmaceutique de l’UE est votée, elle apportera des changements significatifs à l’industrie, et les entreprises devront s’adapter aux nouvelles exigences. Elle vise en résumé à promouvoir l’innovation, la compétitivité et à garantir un accès plus rapide aux médicaments pour les patients, tout en maintenant des normes élevées de sécurité et d’efficacité.

Cependant, cette réglementation rendra potentiellement le système européen moins intéressant d’un point de vue business qu’il ne l’était par le passé et entraînera le risque que les industries pharmaceutiques donnent la priorité à d’autres zones géographiques, comme certains ont déjà déclaré l’envisager. En effet, plusieurs acteurs affirment que la réforme entravera la recherche, la compétitivité et l’innovation, sans résoudre les problèmes d’accessibilité actuels.

Le secteur pharmaceutique de l’Union européenne est donc sur le point de subir une transformation significative. Reste aux industriels de la santé à réagir et mettre en place des plans d’action pour transformer ces nouveautés en atouts de compétitivité. Alcimed peut vous accompagner dans vos projets liés à cette nouvelle réforme. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos de l’auteur, 

Zoé, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

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