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Arc-en ciel de l’hydrogène : non pas l’hydrogène mais les hydrogènes !

Publié le 22 novembre 2021 Lecture 25 min

En fonction de l’origine des matières premières utilisées, de son procédé de fabrication, l’hydrogène peut être qualifié d’hydrogène bleu, turquoise, vert, rose, gris, … On parle d’arc-en-ciel de l’hydrogène. Si l’hydrogène est en effet largement considéré comme carburant du futur pour décarboner nos industries et nos transports, toutes ces couleurs ne sont pas équivalentes. Alors que veulent-elles dire et à quoi sert cet « arc-en-ciel » ? D’abord, l’hydrogène dans son état naturel est appelé hydrogène blanc, mais il n’est que très rarement exploité par l’homme. L’hydrogène qui est utilisé aujourd’hui est donc produit artificiellement par divers procédés combinant différentes sources d’énergies.

L’énergie fossile : la principale source actuelle d’hydrogène

L’hydrogène produit à partir d’énergies fossiles représente 90% de l’hydrogène produit dans le monde aujourd’hui. Les couleurs associées sont le gris pour l’hydrogène produit par le reformage du méthane provenant du gaz naturel, le brun pour celui produit par gazéification de la lignite (charbon) et le noir pour l’hydrogène produit à partir du charbon bitumeux.

Le reformage du méthane est le procédé qui produit l’hydrogène le moins cher, entre 0,6 et 1,9 dollars par kg. Il est également celui qui produit le plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) avec un ratio compris entre 1:9 et 1:12. Cela équivaut à dire que pour 1 tonne de d’hydrogène produit, on dégage 9 tonnes de GES !

Des améliorations sont envisagées dans le but de réduire l’impact environnemental comme de capter le dioxyde de carbone (CO2) émis lors du procédé de reformage, on parle alors d’hydrogène bleu. Cependant, 10 à 20% du CO2 rejeté ne peut être capté. La solution de cet hydrogène bleu se heurte également aux aspects règlementaires et d’acceptation sociétale liées à la problématique de stockage à durée indéterminée de ce gaz dans nos souterrains.

Une autre solution est de procéder à la pyrolyse du méthane. Si l’hydrogène provient toujours du gaz naturel, le co-produit n’est plus du CO2, mais du noir de carbone, solide valorisable dans de nombreuses industries (notamment les pneumatiques, la catalyse, …). Cet hydrogène, qualifié d’hydrogène turquoise, présente une amélioration du point de vue environnemental et permet de produire un hydrogène économique (objectif atteignable : 2 dollars/kg). Cette solution d’hydrogène turquoise est cependant encore considérée comme peu mature par les industriels qui ont tendance à privilégier d’autres pistes de développement.

L’eau : l’espoir pour un hydrogène décarboné

Récupérer l’hydrogène contenu dans l’eau signifie employer le procédé d’électrolyse qui ne rejette pas de dioxyde de carbone, il est donc largement mis en avant aujourd’hui. Cependant, il reste des questions environnementales associées à l’électrolyse qui sont liées à la source de production de l’électricité qui permet de faire fonctionner le procédé.

L’hydrogène jaune est produit par électrolyse en utilisant l’électricité du réseau électrique, peu importe son origine. En fonction des pays, cela peut être par exemple du charbon ou du nucléaire, certains parlent alors d’hydrogène rose ou d’hydrogène violet. Il a été montré qu’un hydrogène produit par électrolyse alimentée par une électricité « grise » est tout aussi polluant, voire plus que l’hydrogène gris.

Finalement, l’hydrogène vert est celui qui est produit à partir d’une électricité qui elle-même provient d’une énergie renouvelable (éolien, solaire, …). Cet hydrogène vert ne représente qu’environ 1% de la production totale d’hydrogène, mais il est appelé à se développer dans les années à venir, soutenu en particulier par les plans d’action massifs pour développer l’hydrogène annoncés en Europe : 7 milliards d’euros investis sur dix ans en France, 9 milliards en Allemagne. Ces plans ont notamment comme objectifs l’installation de 6,5GW d’électrolyseur en France et une forte diminution du coût de l’hydrogène vert : aujourd’hui annoncé entre 3,7 et 6,1 dollars au kg, l’objectif est d’atteindre en $1,50/kg en 2030.


Découvrir les opportunités liées à l’hydrogène vert >


De l’hydrogène bleu à l’hydrogène vert : l’utilité de l’arc-en-ciel de l’hydrogène

Cette palette de couleurs dans l’hydrogène est donc celle que l’on retrouve dans les publications, mais elle ne correspond pas à une dénomination officialisée ou normée. Certains diront même qu’il n’y a que deux types d’hydrogène, le vert et le gris, que tous les autres ne sont que des déclinaisons. Cependant cette palette de couleurs permet aux industriels d’avoir des « mots simples » pour soutenir leurs différents scénarii vers la neutralité carbone.

Prenons l’exemple des producteurs d’ammoniaque, grands consommateurs d’hydrogène gris dont la production est très majoritairement intégrée aux chaines de production. Il est difficile de retirer le module de reformage du méthane sans affecter le reste du procédé. Si certains industriels annoncent quand même des objectifs ambitieux comme Yara international (Norvège) avec 50% d’hydrogène vert d’ici 2030, d’autres sont plus prudents et se positionnent sur de l’hydrogène bleu comme le groupe américain Nutrien.

Finalement, si les promesses de l’hydrogène vert sont indéniables, sa disponibilité en grande quantité à partir de 2030 reste questionnable et les opportunités offertes par les autres couleurs de l’hydrogènes deviennent plus séduisantes en apportant de réelles solutions technico-économiques, comme l’hydrogène bleu. L’arc-en-ciel n’est donc bien qu’un outil de qualification qui montre une nouvelle fois qu’il n’y pas de solution miracle pour se séparer dès demain des énergies fossiles tout en restant compétitifs et que la décarbonisation de nos industries repose sur des choix fortement influencés par les offres de financement des gouvernements, les initiatives des industriels, et l’avancée des technologies. Vous souhaitez être accompagné sur vos stratégies bas carbone et hydrogène ? Contactez notre équipe spécialisée !


A propos de l’auteur, 

Oriane, Consultante Senior dans l’équipe Chimie & Matériaux d’Alcimed en France

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