Santé

L’IA : un outil pour optimiser la conception et faciliter le déroulement des études cliniques

Publié le 27 avril 2020 Lecture 25 min

Environ 14% des médicaments entrant en phase clinique reçoivent une autorisation de mise sur le marché [1]. Même si ce chiffre semble élevé car il était estimé à seulement 9,6% en 2016, le taux de réussite des essais cliniques reste assez faible. Une mauvaise conception de l’étude (sélection des endpoints, choix des sous-populations, design du protocole, etc.) ainsi que des difficultés à fournir des résultats significatifs peuvent compter parmi les raisons de l’échec d’un essai.

Les coûts engendrés par ce fort taux d’échec et la longue durée (jusqu’à 10 ou 15 ans) des études cliniques ont poussés les entreprises pharmaceutiques à imaginer de nouvelles solutions pour les concevoir et les mener. Grâce à la numérisation des résultats d’études cliniques et aux initiatives de partage de données, le développement d’outils d’Intelligence Artificielle (IA) dans le domaine des études cliniques est désormais possible. Chez Alcimed, nous nous sommes demandé comment l’IA peut améliorer le développement clinique dans l’industrie pharmaceutique, en se focalisant sur trois cas d’application.

Une conception de protocoles plus rapide et plus efficace grâce à l’IA

Pour concevoir une étude clinique efficace, plusieurs éléments sont à définir, comme la problématique, le profil de patients visés, les sites sur lesquels réaliser l’étude ou encore le nombre de patients à inclure. Grâce à l’analyse des résultats d’études précédentes, il est possible de guider ces choix. Cependant, étant donné que les sources d’information sur les études cliniques sont multiples, la recherche de ces éléments peut être laborieuse.

Les méthodes de Traitement Automatique de la Langue Naturelle (TALN) sont des outils d’IA qui permettent d’extraire l’information essentielle de documents non structurés, comme des rapports médicaux. En appliquant du TALN sur des bases de données d’études cliniques et des données de vie réelle, il est ainsi possible de mieux concevoir les protocoles des nouvelles études.

Une tout autre utilisation possible de l’IA dans la conception de protocoles a été développée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a utilisé de l’apprentissage par forcement, une méthode algorithmique basée sur l’apprentissage par un agent grâce à des récompenses en cas de réussite, et des pénalités en cas d’échec, pour déterminer la dose de chimio- et radio- thérapie à administrer aux patients dans une étude clinique.

Le recrutement de patients en étude clinique facilité par l’IA

Le manque de patients impliqués dans une étude clinique est parfois à l’origine de son échec, bien que, souvent, tous les patients éligibles à un essai clinique n’y aient pas accès. Selon un article de l’American Cancer Society, moins de 5% des adultes éligibles à une étude clinique sur le cancer y participent [2].

L’IA pourrait répondre aux problèmes d’identification, et par suite de recrutement, de patients éligibles à une étude grâce à la mise en place d’outils capables d’analyser plus rapidement l’information sur les patients. Le centre médical hospitalier pour les enfants de Cincinnati a ainsi mis en place un système d’IA nommé ACTES (Automated Clinical Trial Eligibility Screener) qui se base sur du TALN afin d’identifier des patients répondant aux critères d’une étude 34% plus rapidement qu’avec une méthode manuelle, et qui a également permis de diversifier les profils de patients étudiés [3].

Plusieurs entreprises proposent déjà le service inverse dans le but de faciliter l’accès aux études cliniques pour les patients. Ainsi, des applications comme NAVIFY Clinical Trial Match développée par Roche ou encore MyStudyWindow lancée par Boehringer Ingelheim en Mars 2020, effectuent la recherche, pour un patient donné, d’études cliniques lui correspondant, en analysant avec du TALN, plusieurs paramètres comme sa génomique.

Un meilleur suivi lors de l’étude clinique grâce à des nouvelles sources de données

Au cours d’une étude clinique, les patients doivent généralement se rendre sur le site de l’étude afin que le suivi soit assuré par du personnel compétent. L’utilisation d’objets connectés, mobiles, comme les montres connectées ainsi que les téléphones portables, permettent aux patients de réduire la fréquence des visites sur le lieu de l’étude, de moins perturber leur quotidien et ainsi d’avoir des patients plus motivés à rester dans l’étude jusqu’à la fin. Ainsi, Janssen a récemment lancé une étude clinique sur l’impact des défaillances cardiaques sur la santé et la qualité de la vie des patients atteints de défaillances cardiaques, combiné ou non à un diabète de type 2, qui utilisera les téléphones portables personnels des patients pour récupérer de l’information à distance.

Un avantage supplémentaire d’utilisation d’objets connectés est qu’ils fournissent des données en temps réel. Avec des méthodes d’IA, il est possible de traiter ces données au fur et à mesure, afin de détecter des événements particuliers, comme l’arrêt de prise de médicament ou un effet néfaste du médicament, qui pourraient survenir lors de l’étude. Toutefois, il faut garantir la fiabilité des données provenant des objets connectés pour assurer la validation de l’ensemble des résultats par les autorités de santé.

D’autres utilisations de l’IA sont possibles dans ce contexte, comme les chatbots qui permettent aux patients de poser des questions et d’avoir la réponse instantanément, ainsi que de communiquer sur les effets d’un médicament afin d’alerter l’équipe médicale plus rapidement. On retrouve également d’autres innovations comme l’assistant mis au point par AiCure dans le but de vérifier la bonne prise de médicament à partir de vidéo du patient prenant son médicament.

En conclusion, l’utilisation de l’IA permet d’accélérer la conception des protocoles d’études cliniques, de réaliser une meilleure sélection des patients, d’assurer un suivi plus personnalisé de chaque patient et de récupérer des données tout au long de l’étude. Ces cas d’usage de l’IA sont importants dans le contexte actuel où une étude clinique peut durer plus d’une dizaine d’années et où son échec peut coûter plusieurs milliards de dollars.

Bien que ces applications soient prometteuses, leur usage est à considérer avec précaution. Ainsi, le nombre d’études numérisées peut être insuffisant pour la construction du protocole d’une nouvelle étude, l’analyse de données d’études antérieures peut introduire des biais, tandis que la fiabilité des données fournies par les capteurs d’objets connectés peut être contestable.

C’est alors à chaque laboratoire pharmaceutique d’évaluer les opportunités liées à l’utilisation de l’IA dans le cadre d’essais cliniques, ainsi que de contribuer à l’augmentation du nombre de données disponibles.

A propos de l’auteur

Amélie, Responsable de l’activité Data dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
Axelle, Data Analyst dans l’équipe Santé d’Alcimed en France

[1] Hale C. New MIT Study Puts Clinical Research Success Rate at 14 Percent | 2018-02-05 | CenterWatch. Cent Watch. 2018. https://www.centerwatch.com/articles/12702-new-mit-study-puts-clinical-research-success-rate-at-14-percent.
[2] The Basics of Clinical Trials. Am Cancer Soc. 2020:1-7. https://www.cancer.org/treatment/treatments-and-side-effects/clinical-trials/what-you-need-to-know/clinical-trial-basics.html
[3] Ni Y, Bermudez M, Kennebeck S, Liddy-Hicks S, Dexheimer J. Designing and evaluating a real-time automated patient screening system in an emergency department. J Med Internet Res. 2019;21(7). doi:10.2196/14185

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