Santé

Les vaccins à ARNm anti COVID-19 : quand une crise se transforme en accélérateur de technologie !

Publié le 23 mars 2021 Lecture 25 min

Avant que Louis Pasteur n’introduise les premiers vaccins à la fin du 19ème siècle et ouvre ainsi la porte à la prévention de maladies infectieuses, bon nombre de virus ou bactéries aujourd’hui bien contrôlés pouvaient être mortels pour l’homme. Les vaccins permettent par exemple de se prémunir contre la rubéole, la rougeole, mais de nouveaux virus ou de nouvelles souches apparaissent régulièrement, comme c’est le cas avec le SARS-CoV-2 qui provoque la COVID-19, menant à une situation pandémique qui impacte le monde entier. La vaccination est identifiée dès le début de la crise comme un outil majeur pour en sortir, et dès la fin 2020, dans des délais inespérés quelques mois plus tôt, les premiers vaccins contre la COVID-19 voient le jour. Ce sont des vaccins à ARNm, une technologie en développement depuis des décennies mais encore jamais arrivée sur le marché. Alcimed s’est penché sur ce sujet d’actualité : quels sont les différents types de vaccins ? Quels sont ceux utilisés à ce jour dans la lutte contre la COVID-19 ? Quels sont les avantages et les limites de chaque méthode ?

Les différents types de vaccins : des vaccins vivants atténués aux vaccins à ARNm

Un virus est un agent infectieux qui pénètre en général dans les cellules de son hôte, où il se multiplie en utilisant les composés et le système métabolique de la cellule, ce qui peut générer des maladies plus ou moins graves chez l’individu infecté. Le vaccin est une préparation injectée à une personne saine, en prévention, afin de stimuler son système immunitaire et que ce dernier acquière une mémoire immunitaire protectrice en cas d’infection, via une réaction immunitaire plus rapide et plus importante. A cette fin, il existe différents types de vaccins traditionnellement classés en 2 grandes familles :

Les vaccins vivants atténués

Les vaccins vivants atténués qui contiennent le virus entier « vivant » ayant subi un traitement qui affaiblit sa virulence afin qu’il ne provoque pas l’infection chez la personne inoculée tout en induisant une réponse immunitaire. Ce type de vaccin est le premier à avoir été développé. Si ce vaccin apporte généralement une réponse immunitaire forte, il peut provoquer une réaction accompagnée d’effets secondaires visibles (par exemple de la fièvre), voire il peut exister dans de rares cas un risque d’induction de la maladie infectieuse chez l’individu. Ces vaccins sont souvent chers à produire et difficiles à stocker.

On peut citer en exemple les vaccins contre la fièvre jaune, la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Les vaccins inactivés

Les vaccins inactivés, qui ont été développés dans un second temps, au 20ème siècle. Ils sont par définition inertes et sans risque infectieux, même si une réaction – immunitaire ! – peut être constatée suite à leur administration. Dans cette catégorie, se trouvent :

  • Des vaccins à germes entiers qui contiennent le virus entier « mort » qui a été préalablement rendu inerte, tel une carcasse. Ces vaccins sont également compliqués à produire et à stocker. Dans cette catégorie se trouvent le vaccin inactivé contre la poliomyélite et une partie des vaccins antigrippaux.
  • Des vaccins qui ne contiennent qu’une partie du virus, qu’on appelle également « vaccins sous-unités». Ce sont les derniers types de vaccins qui ont été développés, à partir de la fin du 20ème siècle. Il existe toute une ribambelle de vaccins sous-unitaires avec des approches technologiques différentes. Leur point commun est de ne contenir qu’un fragment du virus, par exemple des antigènes de surface ou une toxine « détoxifiée », mais aussi parfois une partie de son patrimoine génétique, sous forme d’ADN ou d’ARN-messager. Cette partie peut être injectée directement pour générer une réponse immunitaire, ou être conjuguée à une autre molécule ou véhiculée par un vecteur, c’est à dire portée par un autre virus vivant et rendu inoffensif par génie génétique, afin de faciliter sa détection par l’organisme et d’augmenter la réponse immunitaire.

Les vaccins développés contre le SARS-Cov-2 et actuellement utilisés appartiennent à cette grande famille de vaccins de dernière génération. Les vaccins à ARN-messager ont été développés en premier et sont suivis depuis quelques semaine par des vaccins sous-unitaires à vecteur viral et un vaccin recombinant.

Vaccins à ARN et à ADN : fonctionnement et avantages dans le cadre de la prévention contre la COVID-19

Un vaccin à ADN consiste en l’injection chez un individu sain d’un fragment d’ADN fabriqué en laboratoire qui intègre ses cellules et leur donne l’ordre de fabriquer un ARN-messager (dit « ARNm ») puis une protéine présente à la surface du Coronavirus, avant d’être dégradé par l’organisme. Lorsque la protéine ainsi produite sort de la cellule, elle est captée par le système immunitaire de l’individu et des anticorps spécifiques sont créés. Si l’individu entre en contact avec le Coronavirus après cette vaccination, les anticorps détecteront les protéines de surface du virus et le système immunitaire détruira le virus avant qu’il n’ait pu infecter l’organisme.

Le principe est le même pour le vaccin à ARNm si ce n’est que c’est un brin d’ARNm et non d’ADN qui est injecté via le vaccin, ce qui induit directement la fabrication des protéines dans les cellules de l’individu vacciné (on parle de traduction de l’ARNm en protéine), sans passer par l’étape de transcription de l’ADN en ARNm.

Dans la mesure où le brin d’ADN ou d’ARNm injecté ne code que pour une sous-partie du SARS-CoV-2, ce type de vaccin ne présente pas de risque infectieux lié à la maladie contre laquelle ils protègent.

Les vaccins à ADN et à ARNm présentent de nombreux avantages. Dans un rapport publié par la Haute Autorité de Santé (HAS) le 25 novembre 2020 intitulé « Aspects immunologiques et virologiques de l’infection par le SARS-CoV-2 », récapitulait certains avantages de cette nouvelle technique de vaccins.

Avantages de la technique de vaccins à ARNm et ADN

  • Les ARN-messagers peuvent être facilement synthétisés en laboratoire car ils ne font pas intervenir de procédés de nature biologique (comme production d’un virus destiné à être atténué ou inactivé) mais seulement des procédés de nature chimique (synthèse d’une séquence d’ARN) : cela rend le processus de production du vaccin plus rapide, beaucoup moins couteux et moins risqué que la manipulation de vaccins vivants.

Il est à noter cependant que leur production demeure délicate, et leur stockage en particulier car les ADN et les ARNm sont des molécules fragiles. C’est ce qui explique que ces produits sont actuellement stockés à ultra basse températures, imposant une logistique délicate.

De plus, il existe actuellement des tensions sur les matières premières.

  • Le vaccin à ARN messager provoque une réponse immunitaire importante et donc une production efficace d’anticorps contre le virus. Il est à noter que l’une des raisons de la non-présence de vaccins à ARNm sur le marché avant la pandémie était le niveau de réponse immunitaire atteint. En effet, les taux obtenus par Pfizer-BioNTech et Moderna sont extrêmement satisfaisants et inespérés en quelques mois de développement, la plupart des vaccins pédiatriques « classiques » offrent des protections encore meilleures, jusqu’à plus de 99%, et donc les anciennes technologies demeurent malgré leurs limites, puisqu’elles offrent une meilleure protection. Ici, sur un terrain « vierge », les excellents niveaux de protection obtenus sont à saluer.
  • Enfin, les risques d’effets secondaires sont moins importants que pour d’autres types de vaccins, comme les vaccins vivants atténués qui peuvent entraîner des symptômes légers de la maladie étant donné que le virus entier est injecté.
  • Enfin, par leur construction, les vaccins à ARNm sont versatiles et plus facilement adaptables face à la survenue de variants viraux que les autres vaccins, puisqu’il s’agit de modifier le code génétique – et s’assurer que l’immunogénicité demeure – vs des opérations complexes de génie génétique pour les autres technologies de vaccins sous-unitaires.

La mise au point de ces produits en moins d’un an est aussi le résultat de décennies de recherche sur ces technologies, qui ont trouvé ici un point d’application favorable.

Les autres vaccins en lice contre la COVID-19

En ce début mars, après l’arrivée des 2 vaccins à ARNm de Pfizer-BioNTech et de Moderna, plusieurs autres produits sont distribués largement ou en passe de l’être en occident, avec des approches déjà utilisées pour d’autres vaccins courants : le vaccin de Astra Zeneca et le Spoutnik V, à vecteurs viraux et le vaccin recombinant de Johnson&Johnson.

Ces technologies comportent des caractéristiques différentes. Leur mise au point est traditionnellement bien plus longue, car il faut réussir à développer une souche recombinante ou mettre au point le bon vecteur, par génie génétique : des démarches délicates et qui nécessitent du temps. Si l’on peut se féliciter de la vitesse de développement de ces produits, on peut aussi penser qu’ils seront plus difficiles à adapter en cas d’émergence de variants non sensibles. C’est d’ailleurs ce qui est a priori le cas pour le variant sud-africain, contre lequel le vaccin Astra Zeneca serait très peu efficace.

Néanmoins, ces vaccins apportent leur bagage d’avantages clés pour réussir à sortir de la crise.

Basés sur des technologies plus « classiques », leur production pourra être prise en charge par les acteurs habituels du vaccin ou de la bioproduction en général, sous réserve d’accord et de disponibilité de bio-réacteurs suffisants. De plus, les intrants ne sont pas les mêmes, ce qui permet de ne pas accentuer les tensions déjà présentes sur les chaines d’approvisionnement.

Mais surtout, ces produits, basés sur des technologies plus matures, bénéficient dès leur mise sur le marché de condition de stockage beaucoup plus facile à gérer. Une simple chaine du froid, sans besoin de congélation, encore moins de températures extrêmes, permet de les transporter. Cela permet d’ouvrir des filières de vaccination de chaque citoyen jusqu’alors impossible et de démultiplier les centres de vaccination auprès de chaque professionnel de santé habitué à vacciner. Dans une course contre la montre, c’est un atout capital, et il est à gager que si les vaccins à ARNm ne parviennent pas, dans les mois qui viennent, à s’améliorer sur ce plan, ils pourraient passer de premier à dernier après une entrée pourtant spectaculaire et applaudie mondialement.

Les vaccins à ADN et ARNm, innovation de rupture issue de cette pandémie, sont certainement au seuil d’un bel et long avenir, à condition de trouver les solutions logistiques. Il semblerait que le candidat vaccin de Curevac, déjà bien avancé, soit en position d’apporter des réponses en ce sens. Et les autres acteurs n’ont certainement pas dit leur dernier mot ! Affaire à suivre, et réjouissons-nous que cette crise nous réserve de si belles surprises !


A propos des auteurs
Amélie, Consultante et Christelle, Responsable de Mission dans l’équipe Santé d’Alcimed en France

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