Chimie - Matériaux

Biomimétisme et matériaux intelligents (1/3) : Comment le concombre de mer a inspiré les matériaux auto-durcissant en condition ambiante ?

Publié le 07 juillet 2020 Lecture 25 min

Le biomimétisme est aujourd’hui une source d’inspiration reconnue de l’innovation scientifique, à l’origine de belles ruptures technologiques. Cette approche d’innovation s’applique désormais aux matériaux intelligents, capables de s’adapter à leur environnement extérieur à partir de stimuli de faible intensité. L’étude du concombre de mer a notamment inspiré de nouveaux matériaux intelligents ouvrant de nouvelles perspectives pour les dispositifs implantables. Chez Alcimed, notre équipe Chimie-Matériaux revient sur les nouveaux matériaux intelligents durcissants, applicables notamment au secteur médical.

La peau auto-durcissante du concombre de mer : comment ça marche ?

A première vue, le concombre de mer est une proie idéale car il se déplace très lentement. Pourtant, cet animal a su développer tout un arsenal pour se défendre contre ses prédateurs. Parmi ces différentes options de défense, on retrouve le changement de sa peau. En la durcissant, il est alors capable de créer instantanément une armure lorsqu’il se sent menacé. Des études récentes ont montré que ce mécanisme dynamique est lié à l’architecture particulière des tissus collagéniques de l’animal. Ses tissus sont constitués de fibrilles rigides de collagène, noyées dans une matrice visco-élastique de micro-fibrilles de fibrilline. Lorsque l’animal veut se défendre, des protéines neuro-sécrétées déclenchent une réaction qui fige les fibrilles rigides de collagène avec la matrice de fibrilline et durcit ainsi sa peau instantanément.

Cette architecture particulière a ouvert la voie à de nouveaux matériaux intelligents : les nanocomposites à liaison dynamique (Dynamic Bond Nanocomposites ou DBN). Les DBN sont composés de trois éléments principaux : une matrice polymère souple, des nano-cristaux rigides et des groupes fonctionnels incorporés dans la matrice qui vont apporter la réactivité du système aux variations de conditions extérieures.

Un matériau auto-durcissant en fonction de l’humidité

Une première solution, développée par l’Institut Adolph Merkle de l’Université de Fribourg, repose sur un polymère souple (de type latex, polyvinyl acetate, polybutyl methacrylate,…) et des nano-fibres de cellulose. Des liaisons hydrogène peuvent être créées entre ces nano-fibres :

  • Lorsque les liaisons sont présentes, le matériau est rigide.
  • Lorsque ces liaisons sont supprimées, le matériau devient mou.

L’intérêt de ce système est qu’il peut être activé en milieu humide. Au contact de l’eau, les liaisons sont rompues et le matériau devient mou. Il reprend sa forme et sa rigidité initiale une fois retiré du milieu aqueux.

Cette solution pourrait être utilisée comme nouveau matériau pour des dispositifs médicaux implantables. Ainsi, ces objets conçus avec ce matériau auraient l’avantage de pouvoir être manipulés facilement par le médecin hors du corps, lorsqu’il est rigide, tout en n’endommageant aucun organe une fois implantés et donc ramollis.


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Un matériau auto-durcissant en fonction de la température

Une seconde approche, portée par l’Université de Case Western Reserve de Cleveland, repose sur l’introduction de nano-cristaux de cellulose dans une matrice polymère dite LCST (Lower Critical Solution Temperature) : une exposition à des températures supérieures à la LCST entraîne l’effondrement des chaines polymériques greffées aux nano-cristaux rigides. Ce phénomène fige les nano-fibres et rend le matériau rigide. En utilisant des polymères LCST dont les chaines s’effondrent entre la température ambiante et la température du corps, l’équipe de Case Western Reserve a créé des films durcissant en quelques secondes au contact de la peau, qui redeviennent mous une fois enlevés.

Les nanocomposites à liaison dynamique ouvrent des perspectives applicables au corps humain : des dispositifs médicaux facilement implantables sans risque d’endommagement interne en milieu humide ou encore un film durcissant selon la température. Mais d’autres « soft trigger » sont encore à explorer ! Le domaine des matériaux intelligents inspirés du biomimétisme ouvre davantage le champ des possibles des matériaux du futur, notamment en santé. Matériaux adhésifs ou encore auto-réparants, nos prochaines explorations de cette série sur les matériaux intelligents ne manqueront pas de vous interpeller ! 

A propos de l’auteur

Rayan, Consultant Senior dans l’équipe Chimie-Matériaux d’Alcimed en France

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