Santé

Ce qu’il faut retenir de l’enquête du Leem sur la compétitivité de la recherche clinique en France

Publié le 16 octobre 2023 Lecture 25 min

Depuis 2020, la crise sanitaire liée au COVID-19 a permis certaines avancées en dépit des nombreuses perturbations qu’elle a générées. C’est notamment le cas de la recherche clinique française dont les capacités d’innovation et de production ont plus que jamais été mises en évidence par la réalisation de nombreux essais cliniques menés afin de développer des traitements et vaccins contre le COVID-19.

Au-delà de l’activité de recherche clinique, ce sont aussi les enjeux qui y sont associés qui ont été mis en évidence pendant cette période, comme l’accès précoce aux traitements innovants pour les patients, la valorisation du savoir-faire français, l’attractivité du territoire pour les industriels locaux et étrangers ou le développement de l’expertise des professionnels de santé.

Le LEEM, syndicat des entreprises françaises du médicament, dresse l’état des lieux de la recherche clinique en France via son enquête annuelle autour des essais cliniques promus par les industriels pharmaceutiques. Dans cet article, l’équipe santé d’Alcimed décrypte pour vous cette 12ème édition portant sur la compétitivité de la recherche clinique en France durant l’année 2021.


Un positionnement européen solide et un rayonnement mondial toujours présent en oncologie

La France est sur le podium européen

Sur l’année 2021 et en Europe, la France est en deuxième position en terme de participation aux essais cliniques menés sur des patients, ex-aequo avec l’Allemagne (participation à 13% des essais cliniques menés en Europe). L’Espagne, quant à elle, occupe la première place (16%).

L’oncologie est l’aire thérapeutique de prédilection en France

Comme c’est le cas depuis plusieurs années, l’oncologie reste l’aire thérapeutique privilégiée des essais cliniques menés en France et recouvre 45% des essais cliniques menés en France en 2021.

Une spécialité qui se confirme au niveau continental puisque la France se hisse à la deuxième place du classement européen en oncologie (participation à 15% des essais cliniques, toutes phases confondues), la première position étant occupée par l’Espagne (19%) une nouvelle fois. De même, la France est en deuxième position à l’échelle européenne pour les essais cliniques en phases précoces menés en oncologie. Ce rayonnement s’affirme même à l’échelle mondiale avec une quatrième place pour l’Hexagone dans le domaine en participant à 15% des essais mondiaux en oncologie (derrière l’Espagne, la Chine et les Etats-Unis).

Toutefois, la France reste mise à l’écart de certains essais cliniques

Si le rapport observe un maintien de l’expertise française dans ses domaines de prédilection, notamment en oncologie, il met également en lumière l’exclusion de la France de certains essais cliniques. 333 essais cliniques internationaux et incluant des pays européens n’incluaient pas la France en 2021 (sur les 3 684 essais cliniques promus par des industriels dans le monde). De plus, près de 30% de ces essais portaient sur l’oncologie en dépit de la position privilégiée de la France dans le domaine, un signe supplémentaire de l’intensité de la concurrence entre les différents acteurs européens.

L’enquête du LEEM met également en évidence la très faible proportion d’essais cliniques (moins de 1%) promus par des industriels et menés exclusivement en France. Un constat d’autant plus frappant comparé aux Etats-Unis (18%) et à la Chine (16%).

Une accélération du lancement des essais cliniques qui améliore l’attractivité de la France aux yeux des industriels

Des délais réglementaires réduits

La France est régulièrement pointée du doigt pour sa réglementation particulièrement lourde en matière d’essais cliniques, ce qui peut représenter une menace pour sa compétitivité face aux autres pays. Depuis plusieurs années néanmoins, de véritables efforts ont été faits pour réduire les délais réglementaires (notamment les autorisations de l’ANSM et du Comité de Protection des Personnes) séparant la première soumission de l’essai clinique de l’inclusion du premier patient.

En 2021, il fallait en moyenne 174 jours pour inclure le premier patient dans un essai clinique contre 204 jours en 2019. Une tendance similaire est observée en oncologie avec un délai moyen de 182 jours contre 204 en 2019. A noter que l’année 2020 n’est pas prise en compte dans cette comparaison en raison des délais exceptionnellement accélérés pour les essais cliniques relatifs au COVID-19.

Mais il est possible de raccourcir encore davantage ces délais

Si les délais réglementaires évoluent globalement dans le bon sens, le LEEM continue d’encourager les autorités françaises à travailler pour les réduire encore davantage dans les années à venir. A titre d’exemple, le délai de signature de la convention unique, liant contractuellement le centre coordonnateur et le promoteur d’essais cliniques, dépasse en moyenne de 38 jours celui normalement prévu par la loi.

Parmi les opportunités d’amélioration, le LEEM suggère également un accompagnement plus large des promoteurs d’essais cliniques, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation du CTIS (Clinical Trial Information System), la plateforme permettant aux promoteurs de communiquer avec l’ensemble des instances réglementaires. Une meilleure communication entre les différentes parties prenantes permettrait, encore une fois, d’accélérer la mise en place d’un essai clinique en France tout en conservant le même niveau d’exigence.

Une compétitivité de la France toutefois menacée par l’évolution des modes de financement des essais cliniques et par une concurrence internationale

Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale et financement des essais cliniques

En plus des délais de contractualisation considérés comme encore trop longs, le LEEM attire particulièrement l’attention sur le projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale porté par le gouvernement au début de l’année 2023.

Parmi les mesures envisagées par le projet, l’une d’elles concerne le financement des essais cliniques. Pour les traitements les plus onéreux, l’Etat envisage un système de paiement en plusieurs fois par l’Assurance Maladie plutôt qu’un paiement unique : le financement pourrait être fractionné et délivré au fur et à mesure des phases d’essais cliniques et des résultats observés, selon un calendrier établi entre l’Etat et les industriels et des critères de performance définis au cas par cas. En cas de non-satisfaction de ces critères, les paiements pourraient être suspendus.

Ainsi, Thierry Hulot, président du LEEM, s’inquiète du risque que ce projet de loi pose en termes d’attractivité pour la recherche clinique française. Selon lui, de telles mesures pourraient rebuter des industriels à l’idée de mener leurs essais en France. Notons toutefois que ce système existe déjà dans d’autres pays européens. Par exemple l’agence nationale des médicaments italienne (AIFA) a conclu un accord « de performance » avec Novartis sur l’administration du Kymriah® (CAR-T) à une centaine de patients dans 10 établissements : le financement en 3 fois sur 1 an du laboratoire est conditionné au taux de survie observé dans la cohorte.

Une menace à l’échelle continentale

Malgré la stabilité de la situation française, le rapport met en exergue l’écart de plus en plus significatif entre l’Europe d’une part, et l’Asie et les Etats-Unis d’autre part. L’Asie est notamment passée en première position en termes de recherche clinique en oncologie en participant à 51% des essais cliniques. Elle est talonnée par les Etats-Unis qui, eux, participent à 49% de ces essais, laissant l’Europe loin derrière (32%).

En 2021, la France a su maintenir sa position d’excellence dans la recherche clinique. Entre un positionnement européen solide et un rayonnement mondial toujours présent en oncologie, l’Hexagone continue de bénéficier du regain de considération pour la recherche clinique observé depuis 2020. Les assouplissements progressifs de certains délais réglementaires, qui accélèrent le lancement des essais cliniques et améliorent l’attractivité du pays aux yeux des industriels, ont contribué à cette nouvelle impulsion.

La situation montre néanmoins des pistes d’améliorations, au niveau des délais de contractualisation, et un besoin de concertation entre les industriels et l’Etat, notamment en ce qui concerne l’évolution des modalités de financement de la recherche clinique. Alcimed suit de près les évolutions dans ce domaine et est prêt à vous soutenir sur ces sujets. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos des auteurs, 

Henri, Consultant au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France
Lambert, Responsable de mission au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

Vous avez un projet d’exploration ?
Nos explorateurs sont prêts à en discuter avec vous

Contactez nos explorateurs >

 

Vous avez un projet ?

    Parlez-nous de votre terre inconnue

    Vous avez un projet et vous souhaitez en parler avec un de nos explorateurs, écrivez-nous !

    Un de nos explorateurs vous recontactera très vite.


    Pour aller plus loin