Un marché qui se structure mais qui reste freiné par la réglementation et la fiabilité des systèmes.
Le marché du drone pour les applications professionnelles a traversé une phase de foisonnement et d’investissement massif dans les années 2015 et 2016. La fin de l’année 2016, et le début de 2017, ont vu de nombreux acteurs en difficulté financière suite à des investissements importants et un marché qui n’a pas connu la croissance attendue. L’heure est aujourd’hui à la consolidation, autant dans la structuration des acteurs à travers des regroupements (rachats d’opérateurs d’Azur
Drones…), que dans la montée en puissance des applications éprouvées (l’observation de la terre en agriculture…). Un des freins principaux, concerne la fiabilité limitée des systèmes. En effet, la réduction du poids pour allonger l’autonomie, la volonté de limiter les coûts, et l’absence de certifications strictes poussent les constructeurs à simplifier au maximum les systèmes. De ce fait, contrairement à l’aviation, on ne retrouve que très rarement des systèmes redondés ou des architectures optimisées pour améliorer la fiabilité.
« Pour une même application on observe un taux d’accidents bien supérieur avec les drones par rapport aux avions légers », ajoute Alexandre Savin, directeur du bureau Alcimed de Toulouse.
Ce manque de fiabilité limite notamment l’évolution de la réglementation souvent montrée du doigt comme principal frein au développement. Les premières réglementations, encadrant l’utilisation professionnelle des drones mises en place dès 2012, ont connu depuis peu d’évolutions notables sur les points les plus bloquants que sont notamment les poids maximum autorisés des drones et le niveau d’autonomie laissé aux systèmes sur les scénarios hors-vue.
Le trafic management de drone, un levier indispensable pour poursuivre le développement de la filière.
La montée en puissance de l’utilisation des drones ne pourra se faire sans un système de trafic management, à l’instar de l’aviation commerciale et générale, afin de débloquer de nouvelles applications et assurer la sécurité des vols et personnes vis-à-vis des risques grandissants de collisions.
Ce trafic management de drones (parfois appelé UTM « UAV Traffic Management » Outre-Atlantique) doit d’une part, permettre la géolocalisation permanente de tous les drones en vol, et d’autre part assurer la « déconfliction » [1] de trajectoires. D’un point de vue pratique, ce genre de fonction pourrait être rendue possible par une puce GNSS [2] et divers capteurs embarqués. La mise en place de tels systèmes intéresse un grand nombre d’acteurs. On retrouve notamment les opérateurs de drones, sur le volet de la sûreté des vols et des nouvelles applications, ainsi que des acteurs externes (non opérateurs) comme les forces de l’ordre, prisons, services de sécurité de sites sensibles (centrales nucléaires…), aéroports, compagnies aériennes, aviation générale.…
Plusieurs initiatives de trafic management sont aujourd’hui à l’étude, notamment à l’échelle internationale (ICAO [3] ), aux Etats-Unis et en Europe, mais aussi dans d’autres zones telles que Dubaï. En Europe, l’EASA [4] s’est emparé du sujet et a publié en 2017 [5] une proposition de règles qui scindent les opérations de drones en fonction de trois niveaux de risque. La Commission Européenne, à travers l’initiative communautaire dédiée (SESAR JU [6] ), élabore un plan de route pour le développement d’un trafic management de drone unifié à l’échelle Européenne à horizon 2019, baptisé U-Space. Si aujourd’hui le cadre et la nécessité d’un trafic management de drone sont clairement identifiés et font plutôt consensus, il est fort probable que les modalités exactes feront l’objet d’âpres débats d’ici 2019-2020.
Grâce à ces évolutions, des nouvelles applications pourraient ainsi voir le jour
La levée des freins techniques et réglementaires pourrait faire émerger de nouvelles applications pour les drones légers (moins de 25kg) comme la livraison de colis, actuellement testée à travers le monde par des acteurs privés comme La Poste ou Amazon mais aussi du côté des universités [7]. En ce qui concerne les drones plus lourds, une des applications phares est le transport de passagers, avec de premiers prototypes très prometteurs. En revanche, le rêve de voir des voitures volantes autonomes au-dessus de nos têtes est encore loin de se réaliser… En effet, à ce jour les autorités réglementaires ne sont pas prêtes à laisser voler des véhicules autonomes et transportant des individus qui plus est au-dessus de zones habitées. Il semblerait donc que les premières applications drone à forte capacité d’emport naissent loin des villes. Par exemple, l’agriculture, un secteur en pleine mutation et où des applications drones ont déjà fait leur preuve, laisse imaginer à moyen terme des drones autonomes pour le semi ou encore l’application d’intrants.
[1] Séparer les trajectoires conflictuels de deux drones ou d’un drone et d’un aéronef, de manière active (« tournez à gauche ») ou passive (« vous avez une trajectoire conflictuelle avec X qui arrive de telle direction, veuillez changer de trajectoire »)
[2] Global Navigation Satellite System
[3] EASA : European Aviation Safety Agency
[4] CAO : International Civil Aviation Organization
[5] https://www.easa.europa.eu/easa-and-you/civil-drones-rpas
[6] SESAR JU : Single European Sky ATM Research – Joint Undertaking https://www.sesarju.eu/u-space-blueprint
[7] Coopération entre National University of Singapore (NUS) et Airbus Helicopters au sein de l’initiative Skyways