Santé

A la découverte du rôle des cellules de la microglie, ces gardiennes immunitaires et cognitives du cerveau

Publié le 29 avril 2024 Lecture 25 min

Le cerveau, ou Système Nerveux Central (SNC), est composé de neurones, mais pas seulement ! Jusqu’au milieu du 20ème siècle, les chercheurs considéraient l’espace interneuronal comme de la simple « glue » qui « colle » les neurones ensemble . On sait aujourd’hui que cette « colle » est en réalité composée de trois types de cellules appelées « gliales » : les astrocytes, les oligodendrocytes et les microglies. Ces cellules entourent les neurones et participent à de nombreux mécanismes essentiels au bon fonctionnement du cerveau. Les microglies ont par exemple un double-rôle très particulier dans le cerveau : elles sont à la fois les cellules immunitaires résidentes du système nerveux central mais aussi les gardiennes d’une fonction cognitive appropriée. Cette double fonction leur donne des rôles clés dans de nombreuses pathologies comme les maladies neurodégénératives ou les troubles neurodéveloppementaux. Dans cet article, Alcimed revient sur les différents rôles de la microglie ainsi que son émergence en tant que sujet de recherche de premier plan dans le domaine neuroscientifique.

Le rôle des microglies dans le système immunitaire

Le rôle le plus connu des microglies est celui de la défense immunitaire. Elles sont extrêmement mobiles et scannent continuellement les neurones avoisinants grâce à de nombreux prolongements dynamiques comme des « gardiennes du cerveau » afin d’assurer la surveillance de leur intégrité. Lorsque le cerveau subit un quelconque dommage ou une quelconque infection, les microglies répondent en sécrétant des facteurs favorisant la réparation ou en engloutissant les pathogènes ou les cellules et débris de cellules infectées. Il s’agit des phénomènes d’inflammation qui ont pour but d’enrayer le dommage afin de revenir à la situation initiale.

Dans le cadre des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer, Parkinson ou Huntington, une accumulation de protéines toxiques dans les neurones entraîne une dégénérescence de ces derniers. Ces molécules se transfèrent de neurone en neurone, entrainant la dégénérescence progressive du système nerveux central.  Dans cette dynamique générale, les microglies s’activent pour enrayer ce superflu de protéines et cette mort cellulaire en tentant d’éliminer les neurones ou les débris de neurones chargés de cette protéine. Cependant, ce comportement entraîne deux questionnements.

Activation chronique de la microglie

Le premier concerne celui de l’activation chronique de la microglie. En effet, lors des maladies neurodégénératives, les microglies sont constamment activées pour enrayer les dégâts. Ceci induit une inflammation chronique du système nerveux central qui se traduit par un niveau élevé de facteurs sécrétés et par une activité phagocytaire élevée de la microglie. Cette situation peut alors être destructrice et intensifier la neurodégénérescence.

Transfert des protéines toxiques de neurone en neurone

Le deuxième questionnement concerne celui du transfert des protéines toxiques de neurone en neurone. Il n’était pas encore clair si la microglie participait positivement ou négativement à ces échanges. Jusqu’en 2016, puis en 2023 une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur a révélé des connexions fonctionnelles entre les neurones et les microglies dans la maladie de Parkinson. Dans cette maladie, la protéine toxique impliquée est l’alpha nucléine. En 2016, ces chercheurs ont montré que des structures bien particulières nommées « TNT : Tunneling Nanotubes » facilitaient le transfert de ces protéines toxiques entre les neurones . Ces TNT sont des extensions de la membrane contenant les neurones (membrane plasmique). Les membranes de deux cellules vont se déformer et s’associer pour créer une sorte de tube ou « tunnel » très fin permettant à ces cellules de communiquer entre elles. La particularité de ces connexions est leur diamètre nanométrique et leur grande longueur. Elles permettent aux cellules d’échanger des protéines, des organelles, mais aussi du matériel génétique ou encore des pathogènes et des toxines, sur de longues distances. Puis, en mai 2023, la même équipe a montré que les neurones « parkinsoniens » chargés d’alpha-nucléine utilisaient des TNT pour transférer cette protéine aux microglies et que les microglies utilisaient aussi des TNT pour transférer cette fois, des mitochondries aux neurones. Les mitochondries étant considérées comme les « centrales énergétiques » des cellules, ce mécanisme est analysé comme une potentielle tentative de sauvetage des neurones déficients.

Dans le cadre des maladies neurodégénératives, les microglies apparaissent donc comme des agents pouvant à la fois promouvoir et dégrader la survie des neurones. Cette intrication des comportements souligne la nécessité d’une compréhension complète de leurs rôles afin de développer de nouvelles solutions thérapeutiques ciblées. En particulier, comprendre les mécanismes de propagation des protéines toxiques pourrait permettre le développement de thérapies ralentissant voire stoppant la dégénérescence neuronale et donc stoppant l’aggravation de la maladie. Le rôle de la microglie dans les maladies neurodégénératives est donc encore un terrain à explorer.

 Le rôle des microglies dans les capacités cognitives

Les fonctions de la microglie s’étendent bien au-delà de la défense immunitaire dans le cadre d’une situation pathologique. Elles jouent aussi plusieurs rôles fondamentaux dans leur état physiologique c’est-à-dire lorsque qu’il n’y pas « d’attaque » du système nerveux central. C’est le double jeu prodigieux des cellules microgliales.

Maintien de capacités cognitives essentielles au sommeil

Premièrement, la microglie impacte le sommeil. Pourquoi avons-nous sommeil ? Y a-t-il des mécanismes cellulaires ou même moléculaires régissant notre aptitude à avoir sommeil ? La réponse est oui : notre capacité à dormir après une longue période d’éveil est bel et bien construite à l’échelle cellulaire et même moléculaire, et les microglies font partie intégrante de ce processus complexe. Lors de nos cycles d’éveil, notre corps construit lui-même les signaux nécessaires à son futur repos. C’est ce que l’on appelle le contrôle homéostatique du sommeil. Le temps que l’on passe éveillé définit le temps et l’intensité de notre prochain cycle de sommeil.  Il s’agit en réalité de nombreux mécanismes moléculaires se mettant en place dans le cerveau pour indiquer aux neurones puis au cerveau que celui-ci a besoin de dormir. L’accumulation de ces signaux encode un certain niveau de « besoin de sommeil » régulé par la cellule microgliale. En effet, elle sécrète un facteur, nommé TNF : Tumor Necrosis Factor, capable d’interagir directement avec les neurones et par lequel va s’encoder ce « besoin de dormir » à l’échelle moléculaire .

Maintien de capacités cognitives essentielles à la mémoire

La microglie a également un impact sur la mémoire. Comment la mémoire se crée-t-elle ? Comment la mémoire se consolide-t-elle ? Pendant que nous dormons. La consolidation regroupe un ensemble de processus permettant le stockage à long terme d’une trace de mémoire court terme.  La mémoire à court terme permet de garder des informations à l’esprit pendant quelques secondes ou minutes alors que le stockage à long terme permet de les garder des jours, des semaines, voire toute la vie. Cette consolidation est communément admise comme dépendante des cycles de sommeil. Les microglies, qui participent à l’encodage des cycles de sommeil, sont aussi nécessaires à la consolidation de la mémoire pendant le sommeil. En agissant aussi par le facteur nommé TNF, les microglies fournissent les briques nécessaires à une mémoire long terme. Par cette mémoire apparait l’apprentissage et un bon apprentissage ne peut pas non plus se faire sans les microglies.

L’apprentissage, c’est la capacité des neurones à créer de nouvelles connexions ou à renforcer des connexions déjà existantes. Dans le cerveau, ces connexions s’appellent des synapses. On dénombre environ dix mille milliards de synapses dans le cerveau humain. De plus, le cerveau crée constamment des nouvelles connexions. Ainsi, . comment recréer des connexions dans un environnement débordant d’anciennes ? Il est essentiel de faire le tri et d’éliminer ces anciennes connexions. Ce phénomène essentiel existe et s’appelle l’élagage synaptique. Il est intégralement assuré par les cellules microgliales : elles identifient les connexions synaptiques les moins utilisées, s’en rapprochent et les détruisent. C’est ainsi que votre cerveau fait de l’espace pour que vous puissiez apprendre davantage.

Ces découvertes placent la microglie comme un réel chef d’orchestre de capacités cognitives de base. Malheureusement, comme tout mécanisme biologique, ces fonctions peuvent être altérées et entrainer des troubles neurologiques. C’est le cas de l’élagage synaptique. Celui-ci a principalement lieu pendant deux périodes de développement : les deux premières années après la naissance et pendant l’adolescence. Une altération de ce processus pendant l’une ou l’autre de ces périodes entraine des troubles neurodéveloppementaux menant par exemple à l’autisme ou la schizophrénie. L’autisme, généralement détecté dans les premières années de vie (5/6 ans) se traduit par un « sous » élagage pendant le premier cycle et donc à une augmentation de la densité synaptique dans les cerveaux de jeunes enfants. A contrario, la schizophrénie est détectée plus tard, entre l’adolescence et le milieu de la vingtaine et serait corrélée à une altération de l’élagage pendant la deuxième vague et donc à une densité synaptique plus faible que la moyenne, qui se traduit également par une perte de volume de matière grise. Finalement, l’élagage synaptique par les cellules microgliales dans le Système Nerveux Central est un programme de développement nécessaire à l’établissement d’une connectivité et d’une fonction cérébrale appropriées.

Cette implication des microglies dans le maintien de capacités cognitives essentielles comme le sommeil ou la mémoire en fait une cible incontournable de la recherche fondamentale française.

Les microglies : un terrain de recherche grandissant

 Alors que la biologie et la fonction des neurones ont été intensément étudiées et décrites, le rôle de la microglie reste encore un vaste terrain d’investigation. Pour être exhaustif, on pourrait citer l’étude de la très grande diversité de fonctions, son rôle dans le développement du cerveau, son implication dans les maladies neurodégénératives et dans les mécanismes de neuro-inflammation, et enfin son potentiel comme cible thérapeutique. Par les récentes découvertes précédemment citées, l’intérêt pour les microglies a grandi depuis les 10 dernières années. Le nombre de projets de recherche et les investissements associés grandissent en France. Il existe notamment un Groupement de Recherche : Microglie et Neuroinflammation qui rassemble une quarantaine d’équipes de recherche désireuses de structurer un espace de partage dans lesquels les principaux investigateurs échangent des idées, des savoir-faire et des approches technologiques. Ils ont aussi le souhait de faire émerger de nouveaux projets pour accélérer les recherches et leurs applications. Et enfin de sensibiliser la communauté scientifique, les acteurs de la santé, les patients, le grand-public et les financeurs aux nouveaux défis apparus avec les découvertes de cette cellule.

Alcimed est spécialisée dans l’exploration de nouveaux territoires, dans l’organisation et la valorisation de la recherche, et dans le développement et l’accompagnement de projets biotechnologiques innovants. Nos équipes spécialisées en santé peuvent vous accompagner dans la recherche sur les microglies en créant des ponts, et en facilitant le partage de connaissances et de compétences entre la recherche fondamentale et les champs d’applications divers de la microglie. N’hésitez pas à contacter notre équipe.


A propos de l’auteur,

Léa, Consultante dans l’équipe Innovation et Politiques publiques d’Alcimed en France

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