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Data use case #1 : Décrypter les données pour repenser le modèle d’engagement clients en dermatologie

Publié le 24 septembre 2021 Lecture 25 min

Les bases de données libres d’accès, aussi appelées open datas, sont de plus en plus nombreuses, en particulier dans le domaine de la santé, où la digitalisation des données (traitements, patients, médecins, soins, transactions, etc.) se démocratise. Ces bases de données peuvent être d’origine publique ou privée et mises à la disposition des usagers sans restriction de traitement. Elles permettent de mieux comprendre ou de donner un éclairage différent sur les marchés (offre de soin versus demande), qui appellent des actions ou des stratégies ciblées des acteurs privés ou des institutionnels de santé. Elles sont donc une source de valeur importante pour tout l’écosystème de santé.

De l’enjeu d’engagement client aux pistes de réflexion offertes par la data

Afin d’exemplifier la valeur de ces approches Data Driven, nous nous sommes focalisés sur la dermatologie en premier use case. L’objectif est de répondre à cette question : comment une meilleure compréhension de la structure et de l’évolution de la démographie médicale ainsi que de la demande de soin peuvent permettre d’adapter les modèles d’engagement clients des laboratoires pharmaceutiques ?

Sur la base de plusieurs critères : population importante, baisse de densité, vieillissement de la spécialité, changements de pratique qui se profilent et sur les 40 spécialités que nous avons étudiées, la dermatologie se classe :

  • 9ème en nombre de praticiens en 2018, avec un effectif total de 3918 spécialistes en 2018.
  • 4ème en baisse d’effectif entre 2013 et 2018, avec une baisse de 6.3 %.
  • 6ème en vieillissement en 2018, avec une part des plus de 60 ans de 38.3 % entre 2013 et 2018.

Notre démarche a reposé sur l’analyse de deux principales bases de données : Open Damir (données sur les remboursements de soins par AMELI) et Data.drees (données sur les praticiens et établissements de santé). Voir notre méthode à la fin.

Enseignements clés sur l’offre de soin et la répercussion sur l’engagement des professionnels de santé

Diminution de l’effectif

Sur l’ensemble du territoire, l’effectif et la densité des dermatologues diminuent d’années en années.

Entre 2013 et 2018, la baisse de l’effectif est nette : il y avait 4 104 praticiens en 2013, contre 3 918 en 2018. La baisse est donc de 4,5% en effectif. La densité de dermatologues est passée de 6,3 dermatologues /100 000 habitants à 5,9 dermatologues /100 000 habitants, ce qui présente une baisse de 6,3 %. Cette baisse dans l’offre de soin pose la question de la capacité future du système de santé à prendre en charge les patients. Étant donnés l’accroissement et le vieillissement de la population française, mais aussi l’arrivée de nouvelles thérapeutiques augmentant la demande de soin (dermatite atopique par exemple), il sera nécessaire de trouver un moyen d’augmenter l’offre : qui prendra en charge les patients ne pouvant être vus par les dermatologues et comment accompagner ces professionnels dans leur montée en compétences dans ce domaine / les outiller pour faciliter leurs pratiques ?

Des dermatologues vieillissants

La part des dermatologues de plus de 60 ans augmente d’année en année.

L’effectif des dermatologues âgés de plus de 60 ans augmente de 32.2% entre 2013 et 2018. La part des dermatologues âgés de plus de 60 ans augmente-t-elle de 10.6 points. L’effectif des dermatologues âgés de moins de 39 ans augmente significativement (+22.2 %), mais la part stagne (+3.8 points). Dans une démarche d’engagement et d’accompagnement des médecins, ce profil « vieillissant » pose des questions d’adaptation de contenu et de canaux d’information ou d’éducation médicale en comparaison de profil Digital natives plus appètent à certains types d’approches.

La part des femmes dermatologues

Les femmes représentent environ deux tiers des dermatologues et leur part ne cesse d’augmenter depuis 1999. Nous observons également un vieillissement de la population de ces femmes dermatologues.

Les femmes représentaient 69 % des dermatologues en 2017, tandis qu’elles représentaient 45% des médecins sur toutes les spécialités confondues la même année. La part des femmes en dermatologie a ainsi cru de 20 % entre 1999 et 2017. Les moins de 30 ans sont la plus petite catégorie et représentent seulement 2.6 % des dermatologues. La catégorie la plus importante était jusqu’en 2017 les 50-59 ans, qui représentaient alors 30 % des dermatologues. Mais depuis 2018, la part des plus de 60 ans est majoritaire, car elle représente 32 % des dermatologues.

Ici également, dans une démarche d’engagement et d’accompagnement des médecins, ce profil de plus en plus féminin pose des questions d’adaptation des approches. Les femmes étant considérées plus fermées à la visite médicale, elles représentent pourtant plus de la moitié des dermatologues, l’adaptation des modalités d’information, d’accompagnement et d’engagement est requise.

Désert médical

Les régions les plus à risque en termes de désertification médicale, selon notre analyse multicritère, sont : la Corse, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’ Île-de-France et le Centre-Val-de-Loire.

  • Corse : la part de médecins de 60 ans et plus y est la plus importante en 2018 : 60.5 %. Entre 2013 et 2018, la Corse présente la plus grande augmentation de la part des 60 ans et plus avec un taux de 23.1 points, une diminution de la part des 40 à 59 ans de 15.4 points et une diminution de la part des moins de 39 ans de 7.7 %.
  • Auvergne-Rhône-Alpes : entre 2013 et 2018, la densité y chute de 10.5%.
  • Ile-de-France : part de médecins de 60 ans et plus en 2018 : 47.2 %. Entre 2013 et 2018, la densité y chute de 9.5%.
  • Centre-Val-de-Loire : en termes d’évolution du nombre de praticiens de plus de 60 ans, c’est le Centre Val de Loire qui arrive en tête avec une augmentation du nombre de dermatologues de plus de 60 ans de 76.0 % entre 2013 et 2018, une baisse des 40 à 59 ans de 38.7% et une augmentation des moins de 39 ans de 21.4 %.

Au regard de ces informations, quelle adaptation mettre en place dans les stratégies commerciales et d’affaires publiques en Régions ?  Comment traduire cette disparité autrement que par une force terrain plus ou moins importante ? Quels enjeux locaux pour les filières de soin ces disparités dessinent-elles, en sachant qu’elles sont autant d’opportunités sur lesquels travailler collectivement  ? (téléexpertise, etc.)

Les statuts des dermatologues

Les libéraux exclusifs sont les plus nombreux, mais leur nombre diminue, tandis que les salariés hospitaliers et les mixtes sont de plus en plus nombreux. La moitié des salariés en hôpital ont moins de 39 ans, tandis que les plus de 40 ans privilégient l’activité libérale.

Entre 2013 et 2018, le nombre de libéraux exclusifs diminue de 14.8 % tandis que les trois autres modes d’exercice voient une augmentation : +21.5 % pour les mixtes, +15.2 % pour les salariés hospitaliers et +4.7 % pour les autres salariés. Les libéraux exclusifs sont les plus nombreux,. Les moins de 39 ans sont bien plus présents à l’hôpital que les autres catégories d’âges (ils représentent 47.1 % des salariés en hôpital). Les plus de 60 sont eux majoritairement libéraux (ils le sont à 70 %). Les 40-59 ans sont également majoritairement libéraux (ils sont 62.2 % à travailler en libéral).

Il est nécessaire d’anticiper l’évolution des modes d’exercice, notamment la baisse drastique de libéraux dermatologues afin d’imaginer une solution pour préserver l’offre de soin dans les territoires éloignés des centres hospitaliers.


En savoir plus sur les enjeux liés aux approches Data Driven et aux stratégies Data Driven >


Enseignements clés sur les profils des patients et les répercussions sur les parcours de soins

Une légère hausse des consultations

Malgré une légère hausse dans le nombre de consultations (+ 4.5% de soin par habitant entre 2016 et 2019), le comportement reste stable : la demande est en faible augmentation.

Avec une diminution du nombre de professionnels de santé en dermatologie et une tendance plutôt à la hausse quant à la demande, la question de la saturation de l’offre de soin se pose en France, notamment au regard de la décroissance de l’offre de soin évoquée précédemment.

Les femmes consultent davantage

Plus de la moitié des consultations de dermatologie sont à destination des femmes (alors qu’une diminution du nombre de consultations chez les jeunes adultes s’opère) et la part des plus de 60 ans augmente nettement.

Au-delà d’un nombre relativement stable au fil des années, on remarque que la part de consultations par les femmes est supérieure à la moitié : plus de 56 % des soins sont réalisés pour des femmes. Cette différence de parité est surtout visible chez les jeunes adultes, et se réduit avec l’âge.

Contrairement à la répartition du nombre de consultations par sexe, qui semble constant, le nombre de consultations par âge lui ne l’est pas. En effet, on observe une émergence nette du nombre de soins en dermatologie pour les personnes âgées de plus de 60 ans, et une diminution du nombre de consultations pour les jeunes de 20 à 30 ans. Le vieillissement de la population est un facteur de ce phénomène, mais ne l’explique pas dans son entièreté.

Ce profil patient a été défini grâce à la base de données Ameli, qui rassemble des données anonymisées. Avec des informations supplémentaires permettant de suivre le parcours patient, avec des données pseudonymisées, il serait possible de mieux comprendre la demande de soin pour chacun des profils type.

Dans tous les cas, une patientèle plutôt féminine et de plus en plus âgées représente un segment de patients et des besoins spécifiques. L’enjeu pour les industriels étant d’accompagner de plus en plus les médecins dans leur dialogue et dans la prise en charge de segments spécifiques de patients, ces informations permettent de dessiner des pistes d’innovations dans les solutions proposées aux médecins.

Un exode de la patientèle

Dans certaines régions, un exode de la patientèle est plus marqué que dans d’autres et serait dû à des effets de bord (aux frontières) ainsi qu’à un manque de praticiens dans ces régions.

  • 35 % des consultations réalisées pour des habitants du Centre-Val-de-Loire sont faites en dehors de cette région.
  • 26 % des consultations réalisées pour des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes sont faites en dehors de cette région.
  • 26 % des consultations réalisées pour des habitants du Pays-de-la-Loire sont faites en dehors de cette région.

Il serait intéressant d’étudier ces indicateurs à un niveau plus fin afin de mieux en comprendre les causes et de comprendre les opportunités potentielles en terme d’organisation des parcours au niveau local. Une fois encore, ces analyses régionales dessinent des pistes de projet d’optimisation des parcours à mener collectivement en région afin de mieux servir les besoins des populations de ces territoires.

Lire aussi : Données de santé : quels modèles pour demain ? – Livre Blanc Alcimed

Du constat aux opportunités d’engagement clients pour les acteurs pharma

En dermatologie, tandis que la demande augmente légèrement, l’offre de soin diminue. Les répartitions de praticiens par tranche d’âge et par région sont inégales sur le territoire et des enjeux de renouvellement de l’offre de soin sont à prévoir. Toutes ces analyses dessinent des opportunités dans la définition des stratégies d’engagement des laboratoires pour s’adapter au mieux aux spécificités de leurs clients. Elles peuvent également éclairer les écosystèmes locaux dans l’amélioration de la prise en charge territoriale.

Nos résultats ouvrent la voie à des analyses de données plus poussées, selon les besoins identifiés. D’autres cas d’usages sont possibles, notamment :

  • Établissement d’une méthodologie d’estimation du risque de désertification médicale par région.
  • Calcul de la disponibilité de consultations (ou du temps d’attente avant consultation) pour une pathologie donnée, suivant son épidémiologie. La prise en charge recommandée et la répartition des praticiens par régions et par modes d’exercice.
  • Ou encore un outil prédictif de la répartition et du nombre futur de dermatologues dans 5 ans et dans 10 ans, afin d’anticiper les territoires qui présentent un risque fort de désertification médicale.

Notre équipe Santé & Data vous accompagne sur ces analyses de données, votre stratégie de customer engagement et vos stratégies data driven ! Contactez-nous ! 

L’approche méthodologique d’Alcimed

Pour répondre à ces questions, nous avons utilisé deux bases de données en libre-accès, toutes les deux constituées par des organismes publics, à savoir :

  • Open Damir
  • Data drees

L’utilisation de ces bases de données libres d’accès nous permet de réaliser des études démographiques dont la granularité peut être fine :

  • Classes d’âges de 5 ou 10 ans
  • Données sur les régions, voire sur les départements
  • Modes d’activités scindés en quatre catégories
  • Recoupement possible des variables liées à l’âge, au sexe, à la localisation et aux modes d’exercice

A propos de l’auteur,

Michael, Consultant en Datas Sciences au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

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