Santé

Tensions et rupture d’approvisionnement en médicaments : 6 stratégies pour sécuriser l’approvisionnement en médicaments

Publié le 05 novembre 2020 Lecture 25 min

Depuis la fin des années 2010, en France, les signalements de tensions ou ruptures d’approvisionnement auprès de l’ANSM ont augmenté de manière exponentielle, de plus de 30% par an. Cette situation, qui semble de plus en plus incontrôlable, soulève la question des leviers qu’il est possible de mettre en place afin de prévenir et de réagir le plus efficacement possible à ces pénuries de médicaments. Après avoir analysé 5 causes de ces pénuries, Alcimed  a identifié 6 stratégies pour sécuriser l’approvisionnement des médicaments en France.

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #1 : La constitution de stocks

La première stratégie, qui est simple à mettre en place, est la constitution de stocks. Cette stratégie apparait comme étant la plus efficace car elle peut concerner tous les types de médicaments, et fonctionne que la tension provienne de la production d’API ou de la forme finale. Cela nécessite toutefois d’avoir accès à un vivier de produits finis. Il faut également établir une véritable politique de gestion des stocks dont la durée de vie est variable, afin de cibler au mieux les besoins. De plus, une véritable dimension émerge. Cette stratégie peut être discutable en cas de tensions d’approvisionnement sur plusieurs territoires car le stockage de médicaments par la France pourrait se faire au détriment d’autres pays.

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #2 : Centraliser l’achat des molécules à échelle nationale

Une centralisation des achats à l’échelle nationale aurait de nombreux avantages. Les premiers sont une meilleure régulation de l’utilisation des médicaments et une réactivité accrue en cas de pénurie. On pourrait même en espérer un meilleur pouvoir de négociation et donc un effet positif économique et un engagement des fournisseurs. Cette stratégie est néanmoins très complexe à mettre en place : les changements organisationnels qu’elle nécessite par rapport à l’approvisionnement actuel des pharmacies et hôpitaux sont profonds. De plus, de nombreux acteurs sont impliqués dans l’approvisionnement des médicaments : alors que leurs intérêts peuvent diverger, ils devront se regrouper autour de cette ambition commune pour obtenir une centralisation effective et efficace.

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #3 : Encourager la relocalisation de la production par la création d’un label européen de la production pharmaceutique

Une telle stratégie vise à renforcer le contrôle de la chaine de valeur, cette fois à échelle européenne. La création d’un label européen de production pharmaceutique et son inclusion en tant que critère d’achat, non seulement favoriserait le retour de la production en Europe, mais permettrait également une meilleure maîtrise des outils de la chaine de production. Plusieurs obstacles se dressent toutefois face à une telle stratégie. De la même manière que pour la centralisation de l’achat des molécules à échelle nationale, elle est difficile à mettre en place, voire sans garantie de résultats. De plus, une production en Europe n’est pas adaptée à toutes les molécules. Certaines sont à trop faibles valeurs ajoutées, d’autres, de part la toxicité ou la dangerosité de leur fabrication, nécessitent de bâtir en Europe des installations dédiées coûteuses qui pourraient ne pas être acceptées par les locaux. Selon la molécule, cette stratégie peut donc engendrer naturellement une hausse des coûts, donc une hausse des prix, ce qui est contraire à la politique tarifaire française actuelle.

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #4 : Financer des capacités de production supplémentaires

Une autre approche consiste à financer la création d’une nouvelle ligne de production ou même d’une nouvelle usine localement. Cela permettrait d’accroître de manière durable la production de la forme finale d’un ou plusieurs médicaments ou de leurs APIs, selon le besoin principal. Plusieurs points de vigilance sont toutefois à souligner. Tout d’abord, il faut établir des groupes de molécules dont les conditions de production sont compatibles, afin de se donner des chances de rentabiliser un tel outil. Au-delà de ce point, l’investissement nécessaire pour une telle stratégie est non-négligeable, voir prohibitif si l’on veut s’assurer du respect des normes environnementales ou si le médicament en question engendre des marges trop faibles.

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #5 : Développer des capacités de production flexibles

L’idée ici est de renforcer la flexibilité des lignes de production existantes afin de produire rapidement et temporairement des médicaments qui connaissent des tensions d’approvisionnement. Cette flexibilité englobe une marge de manœuvre sur le taux d’occupation des installations tout comme une certaine polyvalence pour produire une molécule ou une forme finale ciblée. Une fois la crise dépassée, la ligne peut reprendre la production du médicament ou de la molécule qui n’est pas à risque. La principale limite de cette approche, au-delà des difficultés techniques et de l’investissement, est l’obtention des accréditations multiples pour produire l’ensemble des molécules désirées. Celle-ci est généralement bien plus longue que la crise elle-même !

Sécuriser l’approvisionnement en médicaments #6 : Réduire le temps d’obtention des AMM pour les substituts

Enfin, dans de rares cas, une dernière stratégie serait de réduire les délais d’obtention d’AMM pour des médicaments substituts à utiliser en cas de pénurie. Cette stratégie aurait un impact sur le long terme et sur tous les médicaments. Ici aussi, le principal écueil de cette stratégie est la difficulté à la mettre en œuvre. De plus, cette stratégie ne réduit pas le risque de rupture d’approvisionnement sur le médicament original. Cette stratégie, quand elle peut être appliquée, ne fait que faciliter l’accès à une alternative pharmaceutique acceptable.

Une pluralité de leviers sont ainsi envisageables pour sécuriser la disponibilité de médicaments en France. Cependant, ils impliquent tous des investissements conséquents, une modification de la législation ou des changements pratiques. Un regroupement des intérêts et des acteurs sera nécessaire pour mettre en place de tels projets. Toutefois, la sécurisation de l’approvisionnement de médicaments en France ne peut se penser sans une vision systémique plus globale. Il est nécessaire d’explorer les causes de pénuries et des solutions au niveau européen. Une mise à jour des règles de l’Union Européenne en matière d’achat de médicaments et une meilleur gestion des pénuries devront alors être mises en place pour sécuriser l’approvisionnement en médicaments en Europe.

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A propos des auteurs

Grégoire, Consultant dans l’équipe Santé d’Alcimed en France
Alice et Christelle, Responsables de Mission dans l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en France

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