Santé

Accès aux soins dans les Outre-Mer : à situations particulières, solutions particulières

Publié le 12 décembre 2022 Lecture 25 min

Les spécificités des Départements et Régions d’Outre-Mer et Collectivités d’Outre-Mer (DROM-COM) ont une incidence forte sur l’organisation des systèmes de santé. Même si les objectifs d’amélioration de la qualité des parcours patients définis dans la stratégie nationale de santé 2018-2022 s’y appliquent, ils nécessiteront une intensité d’effort supplémentaire et des dispositions propres pour y répondre. En France, la couverture et l’organisation des systèmes de santé demeurent très hétérogènes d’une région à l’autre. À ces disparités s’ajoutent dans les Outre-mer des problématiques territoriales spécifiques qui peuvent constituer des barrières ou retarder l’accès aux soins pour les patients. Dans ce contexte où la population ultramarine totale est de plus de 2,8M d’habitants, des actions adaptées seront nécessaires pour réduire les écarts et améliorer l’accès aux soins pour les patients, quel que soit leur lieu de prise en charge. Alcimed revient sur les facteurs de complexité de l’accès aux soins dans les territoires ultramarins et analyse les leviers pour y faire face.

Des disparités démographiques et épidémiologiques

D’abord, les territoires d’Outre-mer présentent des profils de population particuliers, . D’une population globalement plus jeune que celle de la métropole au début du siècle, les DROM insulaires, notamment les Antilles, font désormais face à une forte augmentation de la part des personnes âgées de plus de 60 ans du fait d’un vieillissement accéléré de la population. Ainsi, selon les projections à 2050, la Martinique deviendrait le plus vieux département de France et la Guadeloupe le 6e, du fait d’un faible taux de natalité et d’un déficit migratoire au profit de la métropole. De nouveaux besoins de santé, intégrant la prise en charge des polypathologies et des mesures d’accompagnement pour maintenir l’autonomie, seront donc de plus en plus marqués. Les situations démographiques sont toutefois bien différenciées en Guyane et à Mayotte avec une population en forte augmentation, portée par un solde naturel positif et une arrivée massive d’immigrants transfrontaliers, par exemple du Surinam et du Brésil en Guyane.

Ensuite, de nombreuses maladies chroniques, comme par exemple le diabète ou l’hypertension artérielle, sont plus fréquentes que dans l’Hexagone, du fait de conditions sociales défavorables. La Réunion a par exemple le taux de diabète traité, principalement de type 2, le plus élevé de France (10,2 %), à structure d’âge comparable. La prévalence de certaines maladies génétiques est quant à elle plus importante en Outre-mer où se concentrent les populations à risque, comme pour la drépanocytose dont la fréquence des porteurs du trait drépanocytaire est de 5,2% pour les DROM vs 2,7% en métropole sur la période 2006-2010. En outre, les risques infectieux, favorisés par les conditions climatiques et retards d’équipements, y sont plus importants. D’une part, les infections à transmissions vectorielles comme le paludisme ou le chikungunya s’y propagent facilement ex : suite à l’épidémie de 2005, près de 35% de la population de la Réunion auraient été infectées par le virus chikungunya. D’autre part, via les maladies infectieuses non vectorielles, parmi lesquelles on compte les hépatites et le VIH les Antilles-Guyane ont un taux d’incidence du VIH de 59 pour 100 000 habitants contre 39 pour 100 000 en Ile-de-France.

Une démographie médicale en souffrance

Les collectivités d’Outre-mer enregistrent la densité de médecins en activité régulière, libérale ou mixte, la plus faible avec 87,5 médecins pour 100 000 habitants.

En raison d’un déficit de spécialistes, d’une répartition hétérogène des structures de soins et de la fragilité des ressources médicales, les DROM-COM sont confrontés à une insuffisance de l’offre de soins face à une demande croissante. En particulier, faute de médecins libéraux, l’hospitalo-centrisme reste marqué, avec des établissements de santé qui souffrent de sous-effectifs et de difficultés de gestion, notamment financières. Les collectivités d’Outre-mer enregistrent la densité de médecins en activité régulière, libérale ou mixte, la plus faible avec 87,5 médecins pour 100 000 habitants. Le dépistage de certaines pathologies et leur prise en charge sont alors souvent retardés, notamment en gynécologie obstétrique, en santé mentale et pour la prise en charge de certains cancers. En Guyane et à Mayotte s’ajoutent des blocages dans la prise en charge de patients non assurés sociaux. L’organisation des soins est alors complexe et longue avec une prise en charge souvent bornée aux urgences et à l’origine de nombreuses évacuations sanitaires, y compris pour des pathologies qui pourraient être traitées sur place.

Une inégalité des chances en matière d’accès aux soins

La fréquence élevée des maladies chroniques telles que l’obésité et le diabète, ainsi que la surmortalité maternelle (4 fois plus élevée qu’en métropole en 2012), périnatale et infantile seraient enfin des marqueurs des inégalités sociales et économiques qui persistent en Outre-mer. Selon les territoires, les déplacements contraignants, l’éloignement du patient de son domicile pour ses soins, la barrière de la langue dans le cas de populations multiculturelles comme en Guyane, et les difficultés financières sont autant de points de blocage potentiels à une prise en charge médicale et un suivi adéquat. En 2019, 45% des habitants de Mayotte de 15 ans ou plus déclarent avoir renoncé à des soins médicaux nécessaires ou les avoir reportés. En cause, un manque de revenus, de trop longs délais de rendez-vous et des difficultés d’accès à l’offre de soins.

Des territoires d’Outre-mer à fort potentiel pour favoriser l’innovation dans l’accès aux soins

Des réponses cohérentes doivent donc être proposées pour faire face à ces problématiques, au service des patients et de l’optimisation de leur prise en charge. Pour ce faire, tous les acteurs de la santé auront un rôle à jouer, tant les institutions et les pouvoirs publics, que les professionnels de santé et les industriels de la santé, et pourront s’appuyer sur les atouts uniques des territoires ultramarins.

Ces atouts sont en premier lieu d’ordre épidémiologique et démographique. Le vaste domaine de pathologies auxquelles les DROM-COM sont confrontés constitue un vivier de données stratégiques pour développer la recherche et la prévention. Grâce à son environnement et sa biodiversité, le Centre de Ressources Biologiques Amazonie présente à ce titre une richesse unique pour mieux connaître certaines pathologies en Guyane, seul territoire français en Amérique latine. L’EFS de la région La Réunion en est une autre illustration. Ce dernier bénéficie d’une banque de sangs rares et nécessaires en raison des particularités phénotypiques, liées à la position géographique proche de l’Afrique, et locales, les groupes « Bombay Réunion » par exemple.

Ensuite, l’isolement géographique nécessite pour les établissements et les soignants de s’adapter en cohérence avec la situation sanitaire et les ressources locales. Même si les territoires d’Outre-mer ont été attractifs pour les professionnels de santé en 2021 avec une hausse de +7,3% et +6,9% des effectifs à Mayotte et en Guyane respectivement, travailler au maillage des compétences sera nécessaire pour répondre aux besoins médicaux non couverts sur ces territoires. Aussi, des investissements récents dans les centres antillais sont prometteurs pour rattraper les retards en matière d’équipements, à l’image de l’acquisition récente d’un TEP-Scan et d’un TEP-IRM au CHU de Martinique, pour proposer un nouveau parcours patient en cancérologie et développer l’enseignement et la recherche médicale.


En savoir plus sur les enjeux liés à l’optimisation des parcours patients >


Enfin, la collaboration et mutualisation des moyens sont indispensables pour garantir l’efficience de la prise en charge des patients en territoires ultramarins. La dynamique en cours autour des parcours des patients illustre la forte volonté des professionnels de santé de s’organiser en réseaux locaux de soins pour faciliter les coopérations, l’articulation entre la ville et l’hôpital et la diffusion de l’information auprès des patients. Certaines actions en cours illustrent ces coopérations locales et régionales, comme par exemple :

  • La création de partenariats public-privé, à l’image des conventions établies pour faciliter la coopération, grâce à la télémédecine, entre centres de préventions et soins et le Centre Hospitalier de Cayenne ;
  • Les organisations territoriales qui se mettent en place, comme les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) pour la gestion des soins non programmés en ville. Pionnière depuis 2017, la CPTS Madinina en Martinique se met à la disposition des porteurs de projets libéraux pour développer de nouveaux usages et co-construire des solutions innovantes ;
  • Les pilotes du service d’accès aux soins (S.A.S.), comme à la Réunion, pour contribuer à l’amélioration du parcours du patient et au désengorgement des services d’urgences ;
  • Les réseaux et actions de coopération régionale mis en place dans les territoires ultramarins en réponse à l’appel à projets du Plan National Maladies Rares 3 de 2019 pour la création de plateformes Maladies Rares Outre-mer.

Les DROM-COM offrent un vaste champ d’opportunités pour accompagner les acteurs locaux dans leur volonté de tester et de mettre en place de nouvelles organisations de soins pour les patients. Cela passera au préalable par une investigation fine de l’écosystème, des acteurs et pratiques actuelles de prise en charge des patients. De plus, eu égard à l’acuité des problématiques rencontrées et forts de nombreux atouts sur lesquels capitaliser, les Outre-mer seront propices à la création de modèles innovants d’organisations des soins. Nos équipes pourront vous accompagner dans cette investigation et dans l’analyse des solutions à apporter pour améliorer l’accès aux soins des patients ultramarins.


A propos de l’auteur,

Céline, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

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