Santé

Quel rôle doivent jouer les industriels pharmaceutiques pour améliorer la santé des femmes ?

Publié le 10 juillet 2024 Lecture 25 min

Les femmes ne bénéficient pas toujours de la même qualité de traitement ou de prise en charge que les hommes, pouvant ainsi mener à des soins tardifs, inadaptés voire même inexistants.C’est pourquoi la santé des femmes représente à la fois un enjeu médical et un enjeu de santé publique, face auxquels les entreprises pharmaceutiques ont un rôle clé à jouer. Dans cet article, Alcimed explore ce sujet encore peu ou mal traité, qui concerne de nombreuses aires thérapeutiques au-delà de la santé gynécologique ou reproductive, et propose des leviers d’action pour les entreprises pharmaceutiques.

Pourquoi s’intéresser à la santé des femmes ?

Les maladies « féminines » ne sont pas bien connues et traitées

La première chose qui nous vient à l’esprit lorsque l’on parle de santé des femmes est l’ensemble des sujets de santé spécifiques aux femmes, c’est-à-dire directement liés à la sphère gynécologique (menstruation, ménopause, endométriose), reproductive (fertilité, grossesse) ou encore les cancers « féminins » (seins, col de l’utérus, ovaires).

Ces sujets de santé représentent aujourd’hui un fort besoin médical. En effet, d’une part, la recherche médicale y est toujours insuffisante : seuls 4% des investissements R&D de l’industrie pharmaceutique sont consacrés aux sujets de santé spécifiques aux femmes. En comparaison, la recherche spécifique sur le cancer de la prostate représente à elle seule 2% du financement total1https://bigmedia.bpifrance.fr/news/quest-ce-que-la-femtech. Et d’autre part, de nombreux obstacles tels qu’un processus de diagnostic long et complexe ou un nombre limité d’options thérapeutiques, à l’instar de l’endométriose, restent à lever pour que les femmes puissent avoir accès à des soins de qualité et pertinents.

La prise en charge des maladies « non-genrées » est inégale entre les hommes et les femmes

Réduire la santé des femmes à la sphère gynécologique et reproductive serait une erreur.

Le deuxième aspect lié à la santé des femmes qui mériterait d’être davantage connu et considéré est l’ensemble des disparités de prise en charge vécues par les femmes en raison de leur genre, pour des maladies ou sujets de santé non-genrés (i.e., des sujets concernant les deux sexes). Sont inclues ici les disparités dans la prévention des risques, le diagnostic, le traitement et/ou le suivi. Ces disparités, parce qu’elles sont le plus souvent défavorables aux femmes, constituent une source d’inégalités dans les soins et représentent ainsi un enjeu prioritaire de santé publique.

3 exemples de disparités médicales femmes-hommes

Des risques plus importants dans les maladies cardiovasculaires (MCV)

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes, chaque jour elles tuent 200 femmes en France et 25 000 dans le monde2https://www.portailvasculaire.fr/espace-sfmv/actualite/le-bus-du-coeur-des-femmes#:~:text=En%20France%2C%20les%20maladies%20cardio,de%20d%C3%A9pistage%20%C3%A9tait%20mieux%20d%C3%A9fini.. Cependant, des disparités liées au sexe/genre existent puisque les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes d’avoir une évolution défavorable voire de décès suite à un évènement cardiovasculaire, et le délai de prise en charge à l’hôpital, après l’apparition des premiers symptômes, est 38h plus long pour les femmes que pour les hommes3Acute coronary syndromes in women and men (Nature, 2016) – Table 1 et “Delay in presentation”.

Ces disparités s’expliquent à la fois par :

 Des idées reçues et stéréotypes de genre

Au sein du grand public, les maladies cardiovasculaires sont encore vues comme une maladie d’hommes, et l’attention chez les femmes est portée davantage sur le cancer du sein que les maladies cardiovasculaires (ces dernières tuent pourtant 8 fois plus les femmes que le cancer du sein)4https://www.fedecardio.org/presse/les-francaises-et-les-maladies-cardiovasculaires/#:~:text=Selon%20une%20enqu%C3%AAte%20r%C3%A9alis%C3%A9e%20par,que%20le%20cancer%20du%20sein..

Au sein du corps médical, les médecins tendent à associer les symptômes de troubles cardiaques présentés par les femmes (comme une oppression à la poitrine) à des causes émotionnelles (stress, anxiété…), trois fois plus que pour des mêmes symptômes présentés par des hommes, et prescrivent donc des anxiolytiques plutôt qu’une consultation cardiologique5https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_sexe_genre_soigner-v9.pdf.

Une méconnaissance des spécificités biologiques des femmes en matière de maladies cardiovasculaires

Les femmes ont un risque cardiovasculaire plus élevé, à la fois parce qu’il existe un risque hormonal qui leur est spécifique (contraception, grossesse, ménopause) et parce que des facteurs de risque tels que le diabète et le tabagisme impactent plus fortement les femmes. Ce risque additionnel est sous-évalué et donc mal adressé aujourd’hui.

Les femmes peuvent présenter des symptômes atypiques pour un infarctus (suées, vomissements, essoufflement…) différents de ceux des hommes (douleurs dans la poitrine ou l’épaule), et qui ne sont malheureusement pas reconnus comme tels ni par le corps médical ni par les femmes elles-mêmes (80% des femmes méconnaissent ces symptômes féminins)6https://axalive.fr/article/axa-prevention-sante-femmes-cardiovasculaire, ce qui ralentit ou fausse leur diagnostic.

Lire aussi : Maladies cardiovasculaires chez les femmes : comment combler l’écart entre les genres en matière de crises cardiaques

Des biais dans la perception et la prise en charge de la douleur

La douleur (aigüe et chronique) est un second exemple d’aire thérapeutique où les disparités liées au sexe/genre sont fortes et souvent en défaveur des femmes. De nombreuses recherches font état de ces disparités, présentes à tous les niveaux du parcours de soins, et sont résumées par Alcimed dans le schéma ci-dessous :

disparites femmes homme santé des femmes agence cabinet conseil consulting

Comme pour les maladies cardiovasculaires, des disparités fortes en douleur existent pour deux raisons principales :

  • Les stéréotypes de genre, qui influencent la manière dont les patientes rapportent leur douleur, et les comportements de prescription des médecins qui ont tendance à prescrire davantage des psychothérapies que des traitements anti-douleur aux femmes ;
  • Une méconnaissance des facteurs biologiques propres aux femmes dans la signalisation, la perception et la manifestation de la douleur, empêchant ainsi une prise en charge réellement adaptée et optimale.

Une prévalence plus importante et méconnue dans les maladies respiratoires

Un dernier exemple concerne les maladies respiratoires. Bien qu’il y ait une reconnaissance grandissante de l’impact du sexe dans les maladies respiratoires, des disparités persistent dans la connaissance et la prise en charge de ces maladies.

Par exemple :

  • Pour l’asthme, la prévalence, la sévérité et le risque de mortalité sont plus grands chez les femmes (trois fois plus de femmes entre 20 et 50 ans admises à l’hôpital pour l’asthme, que d’hommes). Pourtant, les traitements et la prise en charge actuels de l’asthme ne tiennent pas suffisamment compte du rôle joué par les hormones sexuelles féminines, pendant les différents moments de la vie (puberté, menstruation, grossesse et ménopause), sur le développement et l’exacerbation de l’asthme7https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9764319/8https://www.asthmaandlung.org.uk/sites/default/files/2023-02/asthma-is-worse-for-women-report-1.pdf.
  • Pour la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), le stéréotype persistant d’une maladie principalement « masculine » entraîne un sous-diagnostic et une prise en charge non-optimale chez les femmes.
  • Et enfin, pour le cancer du poumon, les femmes non-fumeuses sont deux fois plus touchées que les hommes non-fumeurs ; davantage de recherche est nécessaire pour mieux comprendre les causes de cette disparité.

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Quels rôles les entreprises pharmaceutiques peuvent-elles jouer dans la santé des femmes ?

Dans ce contexte, les entreprises pharmaceutiques peuvent agir à trois niveaux :

Réduire les disparités dans le dépistage et le diagnostic

  • Contribuer à la recherche pour générer des données genrées sur l’étude des maladies
  • Sensibiliser les professionnels de santé aux problématiques de genre en santé et aux symptômes féminins des maladies, et travailler avec eux pour adapter les approches de dépistage et diagnostic aux spécificités féminines.
  • Sensibiliser le grand public et les patients, en luttant notamment contre les idées reçues

Réduire les disparités dans le traitement

  • Assurer l’inclusivité et la diversité dans le recrutement des patients lors des essais cliniques.
  • Intégrer le sexe et le genre dans l’étude des propriétés pharmacologiques, de l’efficacité et de la sûreté des médicaments, en considérant notamment l’impact de la physiologie féminine et des hormones féminines.
  • Travailler avec le corps médical pour faire reconnaître et réduire les stéréotypes de genre conditionnant les comportements de prescription.

Réduire les disparités dans le suivi des patients

Travailler avec les professionnels de santé et les patientes pour adapter les parcours de suivi aux spécificités des femmes, notamment en matière de prévention secondaire/tertiaire.

Aborder l’enjeu de la santé des femmes nécessite de prendre une nouvelle perspective sur la santé et la médecine, et représente donc une opportunité pour les entreprises pharmaceutiques d’innover. En explorant leurs enjeux stratégiques (dépistage et diagnostic, parcours de soins, accès, médecine personnalisée, santé digitale, etc.) avec un prisme différent, les entreprises pharmaceutiques peuvent ainsi imaginer et développer des nouvelles offres et solutions, en initiant notamment des collaborations avec des nouveaux acteurs, tels que les start-ups et biotech de la filière FemTech, des organisations expertes et dédiées comme « Agir pour le cœur des femmes » (en France) ou tout simplement des expert(e)s – médecins, académiques, patient(e)s – des sujets de santé des femmes.

Améliorer la santé des femmes, c’est reconnaître et traiter les disparités, liées au sexe ou au genre, qui existent dans la médecine en défaveur des femmes. L’enjeu clé est aujourd’hui d’élargir la définition de « santé des femmes » pour dépasser les sujets purement gynécologiques et intégrer tous les domaines concernés par ces disparités, à l’instar des maladies cardiovasculaires, respiratoires et de la douleur. Ainsi, les entreprises pharmaceutiques actives sur ces aires thérapeutiques ont un rôle à jouer pour apporter des solutions innovantes et améliorer la connaissance, la prise en charge et la sensibilisation à tous les niveaux du parcours de soins. Alcimed peut vous aider à explorer le sujet de la santé des femmes et les opportunités en lien avec votre activité. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos de l’auteur,

Chloé, Consultante au sein de l’équipe santé d’Alcimed en France.

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