Santé

Xénogreffe : une alternative prometteuse à la pénurie de dons d’organe ?

Publié le 18 mars 2024 Lecture 25 min

La plupart des pays du monde sont aujourd’hui touchés par une pénurie d’organes. Alors que la greffe d’organe est le seul traitement possible pour guérir certaines maladies, les listes d’attente s’allongent et les patients peuvent parfois rester plusieurs années avant de se voir proposer une greffe. Le manque de dons d’organes peut également avoir des conséquences bien plus dramatiques, entrainant ainsi plus de 500 décès par an rien qu’en France. Cette pénurie devient un problème de santé publique dont les raisons sont multifactorielles. Malgré une évolution progressive des législations dans les pays pour faciliter le don, trouver des alternatives aux dons d’organes de personnes décédées s’avère être une nécessité. Parmi ces alternatives, on compte par exemple la xénotransplantation.

Dans cet article, Alcimed vous présente cette approche et son potentiel pour pallier le manque de dons d’organes humains.

Qu’est-ce que la xénotransplantation et les xénogreffes ?

La xénotransplantation est la transplantation d’organes et de tissus d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur. Il s’agit donc de la possibilité de transplanter des organes d’animaux à des êtres humains. Ces organes ou tissus étrangers sont appelés xénogreffes. Les porcs sont aujourd’hui l’espèce donneuse privilégiée pour les humains en raison de leur facilité d’élevage et des similarités physiologiques et morphologiques des organes humains et porcins. De plus, la vitesse de leur maturité sexuelle, leur courte période de gestation et la largeur des portées en font des espèces privilégiées.

Le rejet du greffon par l’organisme receveur constitue le principal défi

Si les xénogreffes apparaissent comme une solution prometteuse à la pénurie d’organes, il existe de nombreux challenges à surmonter avant qu’elles puissent se substituer aux organes humains. Le plus gros défi à relever est celui de la réponse immunitaire de l’organisme receveur. Déjà dans le cas du don d’organe humain, la réponse immunitaire négative du receveur et le risque de rejet du greffon sont élevés et sont aujourd’hui mitigés par la prise de traitements immunosuppresseurs. Dans le cas de la greffe d’organes porcins, les barrières immunologiques sont bien plus importantes, notamment en raison de la présence dans le sang humain d’anticorps ciblant des xénoantigènes – des antigènes extérieurs à l’organisme – et présents à la surface des cellules porcines. La réaction immunitaire est immédiate et le greffon est rejeté par le corps humain en quelques minutes, c’est le « rejet hyper-aigu ».

Les récents développements en édition génomique et notamment la technique CRISPR ont permis d’introduire des gènes humains dans le génome porcin afin d’augmenter la probabilité d’acceptation de l’organe porcin par l’organisme humain. Plusieurs dizaines de modifications génétiques ont été tentées et certains gènes porcins spécifiques supprimés. Ces modifications ont abouti à des modèles pré-cliniques prometteurs avec des taux de survie élevés.


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Les premières xénogreffes sur des receveurs humains en état de mort cérébrale ont eu lieu en 2021 aux Etats-Unis avec des reins de porcs génétiquement modifiés. Si l’examen des greffons de porcs a mis en évidence des cellules inflammatoires signes de rejet, ces dernières avaient la même signature moléculaire que lorsqu’elles se manifestent contre un greffon humain. Il s’agissait donc de cellules inflammatoires exprimant des gènes typiques de rejet habituel qui permettent de penser que les traitements anti-rejet déjà existants dans le cas de greffes humaines pouvaient être testés en xénotransplantation. De plus, ces essais permettent d’optimiser les modèles de porcs génétiquement modifiés. Depuis ces premiers essais, plusieurs greffes de reins ont eu lieu aux Etats-Unis à l’Institut NYU Langone Health sans signe évident de rejet et avec des durées de survie de plusieurs semaines.

La biotech américaine Revivicor développe également des greffons de porcs génétiquement modifiés dont un cœur de porc transplanté en janvier 2022 sur un patient souffrant d’insuffisance cardiaque et condamné en l’absence de transplantation. Le patient a survécu 2 mois avant de mourir mais sans que des signes de rejet ne soient détectés. En revanche, l’autopsie du cœur porcin greffé a révélé la présence du cytomegalovirus porcin (pCMV). Le risque de zoonose est en effet, après le risque de « rejet hyper-aigu », le deuxième risque médical majeur de la xénotransplantation. Des solutions sont déjà à l’étude sur ce point ! Par exemple, la biotech britannique eGenesis développe une plateforme, EGEN, adressant ces deux risques majeurs.

Les récents développements autour de la xénotransplantation ont permis de surmonter une des barrières majeures de la greffe, le rejet hyper-aigu et de confirmer le potentiel de l’approche d’édition génomique. Néanmoins, de nombreux autres défis entourent la xénotransplantation, comme celui des zoonoses. De plus, des enjeux éthiques autour du bien-être animal, des animaux transgéniques et de la question de la frontière entre les espèces se posent et devront être particulièrement encadrés. Enfin, le développement d’un cadre réglementaire adapté et assurant la sécurité des patients devra être développé.

Chez Alcimed, nous serons ravis de vous accompagner sur cette terre inconnue et de continuer à explorer ce sujet prometteur ! N’hésitez pas à contacter notre équipe.


A propos de l’auteur, 

Diane, Responsable de mission au sein de l’équipe Sciences de la vie d’Alcimed en Allemagne

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