Agroalimentaire

Viande cellulaire : quels opportunités et défis pour le futur de la viande cultivée ?

Publié le 23 septembre 2020 Lecture 25 min

« Pourquoi élever une vache, si on peut juste cultiver un morceau de steak à partir de sa cellule souche ? ». C’est le principe de la viande à base de cellules. Tout comme la viande d’origine végétale, la viande d’origine cellulaire vise à résoudre les problèmes environnementaux et éthiques liés à la production de viande animale. Alors que la viande d’origine végétale est déjà sur le marché depuis de nombreuses années, la viande cellulaire doit encore être lancée sur le marché. Dans cet article, nous discuterons des défis et des opportunités de cette viande cultivée en termes de coût de production, d’acceptation par les consommateurs et de réglementation.

Un coût de production de la viande cellulaire élevé mais en baisse

Le coût de production de la viande cellulaire a fortement baissé ces dernières années. Alors qu’un steak aurait coûté 1,2 million de dollars US par livre en 2013, Aleph Farms estime qu’en 2019, ce prix atteindrait 100 dollars US par livre, soit un prix 10 000 fois inférieur. Il reste toutefois nettement supérieur au prix des steaks de bœuf d’origine végétale (12 dollars US par livre) ou animale (3 dollars US par livre).

La majeure partie du coût de production des protéines cellulaires provient des milieux de culture cellulaire, son composant le plus cher étant le sérum animal. Le sérum animal fournit aux cellules en croissance des oligo-éléments et des facteurs de croissance essentiels à leur développement. Bien que des substituts de sérum non animal soient disponibles, ils ont généralement des formulations brevetées et sont encore plus chers. Shiok Meat, une startup voulant produire des crevettes à base de cellules souches, a indiqué que 90 % de ses coûts sont attribués aux milieux de culture cellulaire.

Les partenariats synergiques entre les fabricants de protéines cellulaires et de milieux de culture cellulaire constituent une stratégie évidente pour réduire les coûts. En 2018, Merck KGaA a investi dans Mosa Meat, une startup néerlandaise produisant de la viande cellulaire. Début 2020, Nutreco, un acteur mondial de l’alimentation animale, a également investi dans Mosa Meat. Le marché de l’alimentation animale étant plus mature que celui de la production de viande cellulaire et de milieux de culture cellulaire, le partenariat devrait apporter une expertise mondiale en matière de fabrication et de chaîne d’approvisionnement.

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Développements prometteurs dans l’acceptation par les consommateurs

Une récente enquête auprès des consommateurs a montré des résultats très positifs pour les marchés asiatiques : 59,3 % des consommateurs interrogés en Chine et 48,7 % en Inde étaient « très ou extrêmement susceptibles » d’acheter de la viande cultivée, alors que seuls 29,8 % aux États-Unis le feraient. Étant donné les différences d’acceptation des consommateurs entre les marchés, le choix du marché géographique à adresser en premier pourrait affecter la dynamique de lancement.

Les médias ont un fort impact sur les perceptions des consommateurs. Si des étiquettes négatives telles que  » franken(stein)-meat » deviennent prédominantes, la réceptivité à la viande cellulaire pourrait diminuer. Cependant, il n’existe pas de consensus au sein de l’industrie ou de réglementation sur l’étiquetage à utiliser. Nous utilisons le terme « viande cellulaire » dans cet article, mais d’autres termes tels que « viande cultivée », « viande propre », « viande sans abattage » et « cultivée en laboratoire » ont également été proposés. En raison des différences de contexte culturel et linguistique, un label différent pourrait être approprié sur chaque marché.

Dans les cultures où les règles religieuses s’appliquant à l’alimentation sont strictes, les labels peuvent constituer un obstacle supplémentaire à l’acceptation du consommateur si ils sont peu claires ou défavorables. Cependant, les récentes déclarations religieuses sur la viande cellulaire sont prometteuses. En 2018, des érudits islamiques en Malaisie ont déclaré que si la cellule de départ était obtenue à partir d’un animal abattu de manière halal et non cultivée dans un milieu dérivé d’un animal, la viande cellulaire qui en résulte serait considérée comme halal (autorisé par la loi islamique). Cela pourrait ouvrir le marché mondial de la viande halal, d’une valeur de 700 milliards de dollars US, aux acteurs du secteur de la viande cellulaire.

Des exigences réglementaires plus claires pour le lancement d’offres de viande cellulaire

Par rapport à il y a quelques années seulement, la réglementation pour la viande cellulaire a été clarifiée dans de nombreuses juridictions. Dans l’UE, la viande cellulaire relèvera du « règlement sur les novel foods » adopté en janvier 2018. Les demandes devront mentionner les catégories de produits dans lesquelles s’applique le produit, la manière dont il sera étiqueté, et soumettre des preuves scientifiques de la sécurité alimentaire. L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) évaluera alors le risque, et la décision sera prise par la Commission Européenne.

Aux États-Unis, une annonce conjointe de la Food and Drug Administration (FDA) et du ministère de l’agriculture (USDA) en mars 2019 a établi le cadre réglementaire de base. La FDA américaine sera chargée de réglementer les processus avant culture, tandis que l’USDA supervisera la culture, la transformation de la viande et l’étiquetage.

À Singapour, l’Autorité Alimentaire de Singapour (SFA) a indiqué en novembre 2019 que la viande cellulaire sera réglementée comme un « nouvel aliment ». Les demandeurs sont encouragés à consulter la SFA dès le début du développement du produit, afin de mieux s’aligner sur les exigences réglementaires. Après avoir soumis des détails sur le processus de fabrication et les résultats des tests de sécurité alimentaire, un processus d’examen d’une durée de trois à six mois est à prévoir.

Bien que la viande cellulaire n’ait pas encore été lancée sur le marché, le coût de production a baissé, l’acceptation par les consommateurs se développe et le cadre réglementaire a été clarifié. Les principaux fabricants de viande cellulaire ont prévu une mise sur le marché en 2022, et ce délai devrait être respecté compte tenu des évolutions récentes !

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A propos des auteurs

Warren, Consultant dans l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en Asie-Pacifique
Bettina, Responsable de Développement dans l’équipe Sciences de la Vie d’Alcimed en Asie-Pacifique

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