Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ?
Pour éviter la confusion entre la perception des consommateurs et l’approche de l’industrie agroalimentaire, des chercheurs brésiliens ont développé en 2009 la classification NOVA. Ce système répartit les aliments en quatre groupes, selon le degré et l’objectif de leur transformation. Les aliments ultra-transformés (groupe 4) sont des formulations industrielles composées d’ingrédients extraits ou modifiés, intégrant des additifs comme des émulsifiants, huiles hydrogénées, colorants synthétiques, agents de texture ou exhausteurs de goût.
Résultat : ces aliments sont souvent riches en calories, pauvres en fibres et quasiment dépourvus de nutriments bénéfiques. Les exemples typiques incluent les sodas sucrés, les biscuits emballés, les nouilles instantanées ou les produits carnés reconstitués.
Quels avantages les aliments ultra-transformés offrent-ils à l’industrie ?
Les ventes d’AUT sont en constante hausse ou restent élevées dans la plupart des pays, les États-Unis arrivant en tête de la consommation : là-bas, ils représentent 58 % de l’apport calorique quotidien (Touvier et al., 2023) ! Pourquoi un tel engouement ? Nous avons identifié quatre raisons principales :
- La praticité : conçus avec des conservateurs et des stabilisants, les AUT se conservent longtemps sans réfrigération, nécessitent peu ou pas de préparation, et sont souvent pensés pour être consommés sur le pouce. Parfaits dans un monde où le temps manque.
- L’accessibilité économique : leur production de masse et l’utilisation d’ingrédients bon marché rendent les AUT moins coûteux que les aliments frais ou peu transformés, les rendant ainsi accessibles aux foyers à faible revenu.
- L’attrait sensoriel : les AUT sont formulés pour maximiser le plaisir gustatif et sensoriel (texture, goût…) et offrir une expérience constante. L’association optimale de graisses, sucres et sel, amplifiée par des arômes artificiels, les rend très appétissants, au point de court-circuiter les signaux naturels de satiété. La publicité et les promotions en magasin renforcent leur visibilité et leur attrait culturel.
- L’innovation technologique : les nouveaux agents texturants, émulsifiants et procédés comme la haute pression permettent de reproduire à grande échelle les sensations des aliments frais, élargissant les gammes de produits tout en maintenant l’intérêt du consommateur.
Les risques potentiels pour la santé
Si les liens entre alimentation et santé ont longtemps été analysés par le prisme des nutriments, la formulation et la transformation des aliments font désormais l’objet d’une attention croissante. Depuis 2015, plus de 70 études épidémiologiques menées dans le monde ont mis en évidence une corrélation entre la consommation d’AUT et un risque accru de maladies. Les personnes consommant beaucoup d’AUT présentent un risque plus élevé de diabète de type 2, d’hypertension, d’obésité, de pathologies cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Des liens ont également été identifiés avec certains cancers, les maladies inflammatoires de l’intestin et même la dépression.
Les facteurs expliquant ces liens bien établis sont nombreux :
- Les AUT présentent une qualité nutritionnelle inférieure (plus de sucres ajoutés, de céréales raffinées, de graisses saturées et de sel) par rapport aux aliments peu transformés et nutritifs comme les fruits et légumes.
- Leur transformation peut générer des composés potentiellement toxiques (ex. : furanes, amines hétérocycliques, acrylamide), et leur longue conservation favorise la migration de contaminants depuis l’emballage (ex. : phtalates, bisphénols).
- La consommation d’additifs comme les édulcorants, conservateurs et émulsifiants peuvent avoir des effets négatifs sur la santé.
- La transformation modifie la matrice des aliments, affectant la satiété, la digestibilité et la biodisponibilité des nutriments, ce qui favorise la surconsommation et un apport énergétique excessif.
Cependant, les mécanismes exacts à l’origine de ces risques ne sont pas encore entièrement compris, et la recherche se poursuit. Certains avancent également l’hypothèse de biais de confusion résiduels : les personnes consommant beaucoup d’AUT adoptent aussi plus souvent un mode de vie globalement moins sain et appartiennent à des catégories socio-économiques plus défavorisées. Néanmoins, la cohérence des résultats observés dans des études bien contrôlées plaide pour un lien réel entre AUT et santé.
Aliments ultra-transformés : défis et implications pour l’industrie agroalimentaire
À mesure que les preuves s’accumulent sur les effets délétères des AUT sur la santé (obésité, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2), une action concertée des gouvernements, des autorités sanitaires et de l’industrie devient urgente. Mais cela reste complexe.
Bien que largement utilisée, la classification NOVA est critiquée pour son manque de précision et ses critères subjectifs, ce qui génère des désaccords entre scientifiques, régulateurs et industriels. Cette ambiguïté nuit à l’éducation des consommateurs, à l’étiquetage et à l’élaboration de réglementations claires.
Malgré des efforts pour limiter la consommation d’AUT (ex. : étiquettes d’avertissement au Chili, taxes sur les boissons sucrées au Royaume-Uni, interdictions dans les écoles ou hôpitaux), ces mesures restent souvent inefficaces, surtout dans les milieux défavorisés où les alternatives sont rares.
Pour aller plus loin, il ne suffit pas de définir les AUT : il faut réorienter tout le système alimentaire. Les politiques publiques doivent favoriser la disponibilité, l’accessibilité et l’abordabilité des aliments peu transformés et nutritifs, tout en limitant les AUT. Cela représente un défi majeur pour les industriels : reformuler leurs produits sans sacrifier la durée de conservation, le goût, le prix ou les marges, autrement dit maintenir la praticité sans compromettre la santé.
Certaines voix s’élèvent encore pour appeler à la prudence face aux données sur les effets des AUT, en raison d’un potentiel biais de confusion non totalement éliminé.
Grâce à leur praticité, leur faible coût et leur attrait sensoriel, les aliments ultra-transformés occupent une place centrale dans nos systèmes alimentaires modernes. Mais les recherches, de plus en plus nombreuses, pointent leur rôle dans de nombreuses maladies chroniques. Cela alimente les appels à une réglementation plus stricte, à une définition plus claire et à une réforme systémique. Passer à un environnement alimentaire plus sain exige une mobilisation collective des pouvoirs publics, de l’industrie et des acteurs de santé publique — non seulement pour limiter les produits nocifs, mais aussi pour rendre accessibles des aliments sains et peu transformés.
Une définition claire des AUT devra aussi s’adapter à l’émergence de nouvelles catégories de produits, comme les substituts de viande. Le véritable défi à venir sera de repenser la notion de commodité, sans pour autant la rejeter.
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À propos de l’auteur,
Candice, Consultante au sein de l’équipe Agroalimentaire d’Alcimed en France.