Qu’est-ce que la co-création en santé ?
Le concept de co-création, également appelé co-conception ou co-production, est déjà bien étudié. Il est défini comme « un effort conjoint entre les citoyens et les professionnels du secteur public pour initier, planifier, concevoir et mettre en œuvre des services publics ». En santé, la co-création avec les patients désigne leur implication structurée dans les phases d’idéation, de conception et de test des produits, services ou politiques de santé.
Quelles tendances émergent dans le domaine de la co-création avec les patients ?
Un cadre réglementaire de plus en plus incitatif
L’Agence européenne des médicaments (EMA) promeut la co-création via le groupe de travail « Patients and Consumers Working Party » (PCWP), favorisant des partenariats consultatifs pour aligner les thérapies sur les priorités des patients, notamment en matière d’évaluation post-commercialisation et d’analyses bénéfice-risque. Aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) mise davantage sur l’implication précoce des patients (dès la phase préclinique) via son groupe « Patient Engagement Collaborative » (PEC). Ces mesures permettent de passer d’une participation symbolique à une co-création réelle grâce à des mécanismes de coopération à long terme qui influencent directement les standards de développement et d’évaluation des produits médicaux.
Le rôle croissant des associations de patients
Les groupes de défense des patients (Patient Advocacy Groups – PAGs) sont passés de simples collectifs militant pour l’accès aux traitements à des parties prenantes institutionnelles jouant un rôle majeur dans la définition des priorités de recherche, la conception des essais cliniques ou encore la réglementation. On recense environ 3 300 PAGs aux États-Unis, dont 18 % se consacrent aux maladies rares. Leur rôle est de plus en plus reconnu par les acteurs de la santé. Lors du sommet mondial de la WAPO à Buenos Aires en 2023, un atelier très populaire portait sur les interactions entre PAGs et laboratoires pharmaceutiques.
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Une adoption massive dans l’industrie
La co-création avec les patients est désormais largement intégrée par les industriels de la santé. Sanofi a lancé sa Charte de la communauté patient et publie chaque année le pourcentage de ses projets de recherche où les perspectives et les objectifs de santé des patients sont intégrés. Merck a mis en place une équipe mondiale dédiée aux partenariats stratégiques avec les associations de patients. Roche implique les patients dans le développement de ses solutions diagnostiques et thérapeutiques pour répondre au mieux à leurs besoins. Ces collaborations démontrent que la co-création permet de concevoir des solutions de santé plus pertinentes et centrées sur le patient.
Quels sont les bénéfices d’une stratégie de co-création en santé ?
La co-création avec les patients offre de nombreuses possibilités prometteuses pour le développement d’initiatives d’amélioration de la qualité qui s’adressent à toutes les parties prenantes.
Meilleurs taux de succès dans la recherche clinique
Une forte implication des patients améliore les taux de réussite des essais cliniques. Une étude de The Economist Intelligence Unit, portant sur 4 000 essais centrés sur les patients, a montré que 87 % d’entre eux aboutissaient à des résultats positifs, contre 68 % pour les essais traditionnels. La co-création améliore la pertinence des essais, facilite le recrutement, réduit les abandons et optimise les protocoles grâce aux retours patients. Exemple : Novartis a consulté des patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC) lors d’un essai de phase III. À leur demande, une biopsie inutile a été supprimée, rendant l’essai moins invasif et permettant de compléter le recrutement 10 mois plus tôt que prévu.
Amélioration du parcours patient
Les patients ne contribuent pas uniquement à la création de solutions concrètes (médicaments, dispositifs), mais aussi à des aspects plus intangibles comme le parcours de soins. Une étude transversale menée à Guangzhou (Chine) auprès de 637 patients a révélé que ceux qui s’impliquaient activement (en exprimant leurs besoins, en s’informant en ligne, en échangeant avec les soignants) ressentaient une meilleure prise en compte de leur situation, avec à la clé plus de satisfaction, une meilleure observance thérapeutique et des résultats cliniques améliorés.
Réduction du risque réglementaire
La co-création avec les patients aide les industriels à répondre aux nouvelles exigences réglementaires. Les agences demandent de plus en plus des preuves d’implication des patients dans les dossiers d’autorisation. Par exemple, la FDA attend désormais des données d’expérience patient lors de ses revues de médicaments. Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, les autorités exigent même des preuves de co-conception avant d’approuver un traitement. En intégrant la voix du patient dès les premières étapes, les entreprises réduisent les risques de blocage et facilitent les discussions sur l’étiquetage et l’approbation.
Quels sont les défis à surmonter pour impliquer les patients dans les décisions ?
Un manque d’expérience
Beaucoup d’entreprises reconnaissent leur manque d’expertise en matière d’engagement patient. Sans processus établi, chaque projet est perçu comme une première fois, ce qui ralentit considérablement les avancées. Par exemple, l’organisation d’un atelier mondial avec des patients atteints de maladies rares a posé d’importants défis logistiques (traduction, accessibilité pour des participants fragiles), faute de guide existant.
Absence d’indicateurs clairs et de retour sur investissement (ROI)
Il est difficile de quantifier précisément la valeur de la co-création. Plus de la moitié des entreprises évoquent une incertitude sur le retour sur investissement comme frein majeur. Il n’existe pas encore de KPIs ni de modèles économiques standardisés, ce qui rend l’engagement patient difficile à justifier en interne, même si les bénéfices potentiels (recrutement accéléré, meilleure observance) sont bien réels.
Manque de cadres et de bonnes pratiques
Ni les industriels, ni les régulateurs ne disposent encore de directives claires sur la co-création avec les patients. Ce vide réglementaire pousse souvent les équipes juridiques à adopter une posture prudente, voire bloquante. Une revue systématique sur la co-conception en santé digitale confirmait l’absence de consensus ou de cadre opérationnel clair pour une implication significative des patients. Résultat : chaque équipe doit réinventer la roue, avec des pratiques hétérogènes et une aversion au risque.
La co-création avec les patients n’est pas une tendance passagère : c’est une nécessité pour une innovation durable en santé. En relevant les défis actuels, les acteurs du secteur peuvent créer des solutions plus pertinentes, efficaces et personnalisées. En tant qu’explorateur de l’innovation en santé, Alcimed accompagne les organisations dans l’intégration de la voix des patients à toutes les étapes de leurs projets. Si vous voulez transformer votre approche, n’hésitez pas à contacter notre équipe !
À propos de l’auteur,
Chaoyue, Consultante senior au sein de notre équipe Santé en France.