Santé

Mieux soigner les femmes et les accompagner en reconnaissant l’impact du sexe et du genre

Publié le 06 juin 2025 Lecture 25 min

La montée en puissance de la FemTech, avec un marché mondial estimé à 33,9 milliards de dollars en 2023 et projeté à 97,2 milliards d’ici 20301Femtech Market Size & ; Outlook, 2030. (2025b, mai 20). https://www.grandviewresearch.com/horizon/outlook/femtech-market-size/global, témoigne d’une prise de conscience croissante des besoins spécifiques des femmes en matière de santé. Initialement centrée sur des domaines tels que les règles, la fertilité ou la ménopause, cette dynamique souligne que la santé des femmes ne peut plus être traitée comme une simple déclinaison de celle des hommes.

Cependant, au-delà de ces avancées, des inégalités persistent une fois le diagnostic posé. Les femmes continuent de faire face à des biais dans la prescription des traitements et la prise en charge de leur douleur, reflétant des stéréotypes de genre profondément enracinés. Comprendre l’origine de ces inégalités et identifier les leviers pour les réduire est essentiel. Dans cet article, Alcimed propose d’explorer ces questions pour mieux soigner et accompagner les femmes.

Santé des femmes : Au-delà du diagnostic, les inégalités persistent

Une fois la maladie diagnostiquée, les inégalités entre les sexes persistent dans le parcours de soins, révélant des différences structurelles profondes. Les femmes, sont trop souvent confrontées à la banalisation de leurs symptômes : 38 % déclarent que leurs douleurs ont déjà été minimisées, et 20 % affirment avoir subi des pressions pour des interventions non souhaitées.1Femtech Market Size & ; Outlook, 2030. (2025, 20 mai). https://www.grandviewresearch.com/horizon/outlook/femtech-market-size/global L’endométriose, qui touche environ 10 % des femmes, illustre ces biais : il faut en moyenne 7 ans pour poser un diagnostic,2World Health Organization : WHO & World Health Organization : WHO. (2023, 24 mars). Endométriose. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/endometriosis malgré des douleurs chroniques pouvant entraîner jusqu’à 31 jours d’arrêt de travail par an.3https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2020-07/endovie_dpgrandpublic_v2c_maq3.pdf Ce retard n’est pas dû à un manque de connaissances médicales, mais à une sous-estimation de la souffrance féminine.

Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (20204Droit du travail et endo. (s. d.). Asso Justice Endometriose. https://associationjusticeendometriose.podia.com/droit-travail-endo#:~:text=Une%20femme%20atteinte%20d’endom%C3%A9triose,la%20m%C3%AAme%20%C3%A9tude%20H%C3%A9ro%C3%AFc%20Sant%C3%A9).), souligne que ces inégalités résultent de biais de genre profondément ancrés dans la relation soignant-soignée. Il affirme que prendre en compte le sexe et le genre dans les politiques de santé est une condition indispensable, non optionnelle, pour garantir une médecine juste, efficace et réellement inclusive.

Pourquoi les femmes sont-elles en général, moins bien prises en charge que les hommes ?

Des stéréotypes de genre et biais socio-culturels

Au-delà du retard de diagnostic, les biais socioculturels et les stéréotypes de genre ont aussi un impact majeur sur la prise en charge médicale des femmes. En effet, ces représentations influencent le choix des traitements, tant au moment de la prescription qu’au regard de la place et du rôle que les femmes occupent dans le système de soins.

Les stéréotypes de genre influencent profondément les pratiques de prescription médicale, au détriment des femmes. À symptômes équivalents, elles reçoivent plus souvent des anxiolytiques ou des antidépresseurs, tandis que les hommes bénéficient davantage d’examens ou de traitements techniques. Ces écarts, non fondés scientifiquement, traduisent une tendance à psychologiser les plaintes féminines. La prise en charge de la douleur en est un exemple marquant : perçue comme exagérée ou d’origine émotionnelle, elle est moins bien traitée chez les femmes, qui attendent plus longtemps pour recevoir un antalgique, malgré une fréquence et une intensité souvent plus élevées. Ces inégalités relèvent un biais de perception persistant, aux conséquences cliniques bien réelles.

Un biais sociétal, souvent discret mais profondément ancré, associe encore majoritairement les femmes au rôle d’aidantes : près de 60 % des aidants5https://www.revmed.ch/view/421088/3658378/RMS_625_1951.pdf sont en effet des femmes. Cette surreprésentation s’explique par des attentes sociales qui les placent « naturellement » dans des fonctions de soin, sans que cette norme implicite ne soit réellement remise en question. Or, ce rôle d’aidant n’est pas sans conséquences sur la santé de celles et ceux qui l’assument. D’une part, il implique une charge mentale, physique et émotionnelle importante, rarement prise en compte dans les parcours de soins : seuls 13 % des aidants déclarent être interrogés sur leur propre santé. D’autre part, cet engagement peut mener à un véritable abandon de leur suivi médical personnel : 31 % affirment négliger leur propre santé à cause de leur rôle.6Matmut. (s. d.). Infographie : cinq chiffres clés sur les aidants en France. https://www.matmut.fr/mutuelle/conseils/cinq-chiffres-cles-aidants-france

Ainsi, les femmes, davantage exposées à ce rôle d’aidantes, en subissent les effets sur leur santé. Il est donc essentiel de reconnaître pleinement cette réalité dans les politiques de santé, afin que leur engagement ne se fasse plus au détriment de leur santé.

Des maladies et/ou spécificités féminines peu connues ou sous-estimées

Les spécificités féminines sont encore trop souvent sous-estimées, non seulement dans la recherche de traitements, mais aussi dans leur application clinique. Cela est particulièrement flagrant dans la prise en charge de la douleur. Certaines pathologies douloureuses, comme la fibromyalgie, les migraines ou les troubles musculosquelettiques, touchent davantage les femmes. Une douleur plus fréquente, plus intense… et pourtant moins bien prise en charge : ces douleurs chroniques sont souvent plus marquées chez les patientes, en partie en raison de facteurs hormonaux. Par exemple, les œstrogènes augmenteraient la sensibilité à la douleur, tandis que la testostérone, plus présente chez les hommes, jouerait un rôle atténuateur.

Malgré ces constats, des différences biologiques ignorées dans les traitements antidouleur persistent. Des travaux menés à l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives de Strasbourg ont mis en évidence, lors d’expériences in vivo sur des modèles animaux, que la morphine est moins efficace chez les femelles, qui nécessitent des doses plus élevées et développent une tolérance plus rapidement. Ces recherches montrent que les mécanismes de la nociception, qui régulent la perception de la douleur, varient selon le sexe biologique.7Douleur : la sensibilité dépend du sexe · Inserm, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. https://www.inserm.fr/actualite/douleur-la-sensibilite-depend-du-sexe/ Il est donc essentiel d’intégrer ces différences dans la conception et l’administration des traitements antidouleurs, afin d’en améliorer l’efficacité et de réduire les effets secondaires.

Un besoin important de coordination multidisciplinaire

La santé des femmes repose sur une coordination multidisciplinaire indispensable mais fragile, du fait de leurs spécificités hormonales et physiologiques, souvent mal prises en compte dans les parcours de soins traditionnels. Cette nécessaire pluridisciplinarité se heurte toutefois à des difficultés de mise en œuvre concrète. Ainsi, dans le cadre du suivi d’un cancer du sein, les douleurs neuropathiques exigent une collaboration étroite entre gynécologues, oncologues et neurologues. Pourtant, cette synergie reste trop souvent absente, retardant une prise en charge adaptée et efficace. La maladie de Willebrand illustre également ces ruptures. Souvent révélée par des règles abondantes, elle reste fréquemment sous-diagnostiquée en raison des tabous qui entourent les menstruations. Ce symptôme nécessite une approche pluridisciplinaire, le gynécologue étant en première ligne il doit mobiliser les hématologues et généralistes pour poser le diagnostic. En l’absence de coordination entre ces spécialités, le parcours de soins s’allonge inutilement, au détriment d’une prise en charge adaptée.


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3 initiatives d’acteurs engagés pour une santé plus juste entre les hommes et les femmes

Face aux inégalités persistantes dans la prise en charge des femmes, certains acteurs – institutions, professionnels de santé et industries pharmaceutiques – s’engagent pour faire évoluer les pratiques. Ces initiatives, à la fois militantes, pédagogiques et structurelles, répondent chacune à un enjeu clé : sensibiliser les soignants, mobiliser l’opinion publique, et adapter les outils médicaux aux besoins spécifiques des femmes. Trois exemples concrets de cette dynamique sont présentés ci-après.

Initiative n°1 :  L’approche différenciée de la HAS pour former et sensibiliser les soignants

La fiche mémo publiée par la Haute Autorité de Santé, en 2025, sur la prise en charge du surpoids et de l’obésité chez la femme8Douleur : la sensibilité dépend du sexe · Inserm, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. https://www.inserm.fr/actualite/douleur-la-sensibilite-depend-du-sexe/ illustre l’importance de reconnaître les spécificités physiologiques (cycles hormonaux, ménopause, grossesses) et les facteurs sociaux (pression esthétique, charge mentale, précarité) dans les pratiques médicales. Il s’agit de l’une des premières recommandations de la HAS entièrement centrée sur une approche genrée, en dehors du rapport « Sexe, genre et santé » publié en 2020, et de certaines initiatives ciblées, notamment dans le domaine des maladies cardiovasculaires où des différences de prise en charge entre hommes et femmes ont été mises en lumière.. En incitant les professionnels à adapter leur discours et leurs traitements, cette recommandation marque un tournant dans la manière de penser la médecine dite « mixte ». Elle montre que même dans des pathologies communes à tous, une lecture genrée améliore la qualité de soin.

Initiative n°2 : Une campagne militante autour de l’endométriose pour engager l’opinion publique

En 2016, la gynécologue Chrysoula Zacharopoulou lance une campagne nationale pour briser le silence autour de l’endométriose, longtemps ignorée malgré sa forte prévalence. Cette initiative a permis de faire sortir la pathologie de la sphère intime pour l’ériger en priorité de santé publique. Son action, relayée par des institutions, le monde politique et même certains acteurs industriels, a permis de faire émerger cette maladie comme un véritable enjeu de santé publique. Cette mobilisation démontre l’impact qu’un engagement coordonné peut avoir sur les représentations collectives et les politiques de santé.

Initiative n°3 : La campagne Roche sur le cancer du poumon chez les femmes pour réinventer les représentations

Autre exemple d’engagement, celui du laboratoire pharmaceutique Roche, qui a mené en 2021 une campagne de sensibilisation ciblée sur le cancer du poumon chez les femmes. Ce cancer, historiquement associé au tabagisme masculin, touche pourtant de plus en plus de femmes. Son principe : aller suivre un maximum de femmes de 25 à 40 ans sur Instagram lors du Mois Sans Tabac. Le compte @lecancerdupoumon, créé pour l’occasion, envoi la notification « Le cancer du poumon a commencé à vous suivre ». Roche participe à une redéfinition des représentations collectives et à une meilleure prise en compte des réalités cliniques féminines. Cette initiative montre que l’industrie pharmaceutique peut elle aussi être un levier de transformation, en repensant ses stratégies et produits autour des besoins spécifiques des patientes.

Les inégalités de prise en charge entre les femmes et les hommes trouvent leur origine dans des stéréotypes de genre profondément ancrés, qui influencent encore aujourd’hui la pratique médicale : une douleur banalisée, une souffrance psychologisée, des traitements inadaptés. Mais ces biais, aussi systémiques soient-ils, peuvent être déconstruits. Sensibiliser les soignants, mieux informer les patientes, adapter les traitements aux réalités féminines : les leviers existent, encore faut-il les activer. Les industriels de santé ont un rôle majeur à jouer dans cette transformation, par exemple en repensant leurs produits, leurs campagnes ou leurs services intégrant les spécificités de sexe et de genre. Parce que soigner équitablement, c’est aussi innover autrement, nous pouvons être à vos côtés pour vous accompagner, n’hésitez pas à contacter notre équipe !


A propos de l’auteur,

Eve, Consultante au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France

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