Tendance n°1 : le recours aux nouveaux designs d’essais innovants
Les succès obtenus pendant la pandémie ont offert à l’industrie pharmaceutique un aperçu précieux de la manière dont les designs d’essais innovants peuvent bouleverser les approches traditionnelles du développement clinique. Améliorant l’efficacité des essais, réduisant les coûts, accélérant le développement des médicaments ou améliorant la personnalisation des traitements tout en minimisant les risques pour les patients, ces modèles innovants ont ravivé l’intérêt des gouvernements, des prestataires de soins de santé, des autorités de réglementation et de l’industrie pour l’optimisation des résultats cliniques. La FDA et l’EMA ont toutes deux reconnu le potentiel de ces approches, les intégrant dans leurs priorités stratégiques pour les années à venir.
Depuis 2020, les nouveaux modèles d’essais cliniques ont pris une place significative dans le développement clinique, représentant en moyenne 18 % des essais. Parmi ces modèles, les « Master protocols » (comme les « Umbrella trials », « Basket trials ») et « Adaptive designs » se sont imposés comme des éléments clés dans le pipeline des essais cliniques. L’oncologie, en particulier, a vu une adoption notable de ces modèles, avec plus de 29 % des essais en 2023 utilisant ces approches, témoignant d’une augmentation significative par rapport aux 13 % observés en 2014. Bien que ce pourcentage ait légèrement diminué après avoir atteint un sommet de 32 % en 2022, il reste néanmoins une indication forte de l’intérêt soutenu pour ces approches. Cela souligne la volonté de l’industrie de continuer à exploiter les avantages des designs d’essais innovants pour améliorer la précision et l’efficacité du développement clinique, en particulier dans des domaines thérapeutiques complexes comme l’oncologie.
Tendance n°2 : l’importance croissante de la Chine dans la R&D pharmaceutique mondiale
Selon les données d’IQVIA, la contribution des entreprises pharmaceutiques chinoises à la R&D mondiale a connu une croissance remarquable, passant de 3 % en 2013 à 28 % des essais en 2023. Cette augmentation spectaculaire a permis à la Chine de surpasser l’Europe en termes de contribution, n’étant désormais devancée que par les États-Unis.
L’essor de la Chine dans le domaine de la R&D pharmaceutique est soutenu par une augmentation substantielle du nombre d’institutions de recherche de premier plan en sciences de la vie et en recherche médicale. Selon le Nature Index, depuis 2015 la Chine a vu croître de 25 le nombre d’institutions de recherche en sciences de la vie et de 31 celui des institutions de recherche médicale, ce qui la place désormais également au deuxième rang mondial, juste derrière les États-Unis. Cette progression témoigne de l’augmentation rapide des capacités de recherche et développement de la Chine dans les technologies de pointe, renforçant sa position sur la scène internationale.
Parallèlement à cette expansion, la qualité de la R&D en Chine fait l’objet d’une attention croissante. En 2022, le Centre d’inspection des aliments et des médicaments de l’Administration nationale des produits médicaux (APMN) a mené 215 inspections d’essais cliniques pour l’enregistrement de nouveaux médicaments, avec un taux de réussite impressionnant de 99,07 %. De plus, les statistiques de la FDA entre 2022 et aujourd’hui montrent que la Chine affiche un taux de réussite plus élevé que les États-Unis lors des inspections de fabrication et d’essais cliniques. Ces résultats soulignent non seulement l’ampleur grandissante de la R&D en Chine, mais aussi la qualité et la rigueur de cette activité dans le domaine pharmaceutique.
Tendance n°3 : l’accélération de l’utilisation de l’IA dans la découverte de nouvelles molécules
Les laboratoires pharmaceutiques adoptent aujourd’hui de plus en plus d’approches basées sur l’intelligence artificielle (IA) pour la recherche et le développement de nouveaux médicaments.
En effet, nous pouvons voir par exemple dans le rapport 2024 sur la R&D dans le secteur de l’industrie pharmaceutique de l’IQVIA Institute, que plus de 12 milliards de dollars d’accords, en lien avec l’IA ou le Machine Learning (ML), ont été annoncés en 2023 (comme Moderna et Immatics ou Shape Therapeutics et Roche), représentant plus du double des accords cumulés de 2022 et 2021. Par ailleurs, preuve du dynamisme de cette activité, la valeur moyenne des accords a également grandement augmentée, s’établissant à 98 millions de dollars contre 27 millions de dollars pour les trois années 2022, 2021 et 2019.
Les programmes de développement clinique tirant parti de l’intelligence artificielle dans la phase amont de discovery atteignent désormais une phase de maturité, marquée par une augmentation du nombre de programmes en phase avancée. Bien que ces programmes aient encore à démontrer la mise sur le marché d’une nouvelle substance active, ils offrent déjà des exemples de nouvelles indications pour des médicaments existants. Cette évolution est largement portée par les entreprises du secteur de la santé, qu’elles soient en phase de démarrage ou déjà bien établies. Elles utilisent la technologie de l’IA et du ML pour exploiter des ensembles de données chimiques, biologiques et de patients de plus en plus vastes, accélérant ainsi la sélection des cibles et l’optimisation des médicaments tout au long du processus de découverte.
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L’application la plus courante de l’IA/ML dans ce domaine reste la conception de médicaments, représentant 42 % des produits analysés. Ces technologies permettent d’optimiser la conception de médicaments en analysant des ensembles de données complexes, incluant la structure moléculaire, la dynamique moléculaire, le génome et le criblage combinatoire de médicaments. D’après des données de Clarivate, entre 2013 et 2022, les essais de phase précoce (phase 0-2) ont dominé le développement clinique lié à l’IA/ML, soulignant l’importance de cette technologie dans les premières étapes du développement de nouveaux traitements.
Enfin, dans un article publié en Juin 2024, visant à mettre en évidence le potentiel clinique des molécules découverte par l’IA, Madura KP Jayatunga et al. ont constaté, via une première analyse des pipelines cliniques, qu’en phase I, les molécules découvertes par l’IA avaient un taux de réussite de 80 à 90 % (contre 40% à 65% en moyenne pour les molécules découvertes par l’Homme). Cependant, en phase II, le taux de réussite était d’environ 40 %, ce qui est comparable aux moyennes historiques (30%-40%). Ces résultats suggèrent ainsi que la découverte de médicaments grâce à l’IA aurait un taux de succès supérieur à ce qui se fait aujourd’hui sans.
En conclusion, l’industrie pharmaceutique se trouve aujourd’hui à un carrefour, redéfinissant les approches traditionnelles du développement clinique. En effet, la pandémie mondiale a mis en lumière l’efficacité des nouveaux designs d’essais, qui non seulement accélèrent le développement des médicaments, mais réduisent également les coûts et améliorent la personnalisation des traitements. Parallèlement, la Chine émerge comme un acteur majeur de la R&D mondiale, dépassant l’Europe et se positionnant juste derrière les États-Unis, tant en termes de contribution que de qualité. Enfin les investissements massifs dans l’IA ont conduit à une augmentation des programmes de développement clinique en phase avancée, bien que la mise sur le marché de nouvelles substances actives reste à démontrer. Ces tendances façonnent une nouvelle ère d’innovation et d’efficacité de l’industrie pharmaceutique.
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À propos de l’auteur,
Thibaud, Consultant au sein de l’équipe Santé d’Alcimed en France.