La réalité virtuelle en santé : un nouvel outil thérapeutique ?

Qu’est-ce que la réalité virtuelle ?

Le premier volume du Traité de la réalité virtuelle, paru en 2006, la définit comme « un domaine scientifique et technique exploitant l’informatique et des interfaces en vue de simuler dans un environnement virtuel le comportement d’entités 3D, qui sont en interaction en temps réel entre elles et avec un ou des utilisateurs en immersion pseudo-naturelle par l’intermédiaire de canaux sensori-moteurs¹Bouyer, G (s. d.). Réalité virtuelle & Santé – Applications & Enjeux [Diapositives]. École Nationale Supérieure d’Informatique pour l’Industrie et l’Entreprise (ENSIIE). https://web4.ensiie.fr/~guillaume.bouyer/RVIG/vr-health.pdf. »

Ainsi, trois critères semblent indispensables pour décrire la réalité virtuelle : l’immersion (pour traduire la sensation d’être dans l’espace tridimensionnel de l’image), l’interactivité (pour qualifier la possibilité de se déplacer dans cet espace et d’en manipuler les objets) et le temps réel (pour faire percevoir immédiatement à l’utilisateur les modifications de l’espace résultant de ses actions).

Contrairement à la réalité augmentée, qui superpose des éléments numériques à notre monde réel, la VR plonge l’utilisateur dans un monde entièrement créé par ordinateur, où il peut interagir de manière dynamique avec son environnement.

Dans le domaine de la santé, cette capacité à créer des simulations réalistes et contrôlées ouvre un large éventail de possibilités pour l’enseignement, le traitement, et la recherche.

Dans quel cas et pour quelles applications la réalité virtuelle en santé est-elle aujourd’hui utilisée ?

Dans le domaine de la santé, le nombre de publications concernant la VR a augmenté de façon exponentielle ces dernières années avec un peu plus de 15 500 publications pour la période 1985-2021. En 2021, près de 2800 publications ont été publiés contre 950 en 2016²Djelti, M. & Beladi, A. (2012). La réalité virtuelle et l’apprentissage médical. Communications Science & Technologie. https://www.researchgate.net/publication/313878319_LA_REALITE_VIRTUELLE_ET_L’APPRENTISSAGE_MEDICAL. Alors que les premières recherches se sont concentrées principalement sur la formation médicale et la réhabilitation, les applications se sont aujourd’hui élargies pour inclure les thérapies par exposition à la réalité virtuelle ou encore la  gestion de la douleur.

La formation des professionnels de santé

La réalité virtuelle a révolutionné la formation des professionnels de la santé en offrant des environnements de simulation réalistes où les praticiens peuvent s’exercer sans risque pour les patients. Par exemple, les étudiants en médecine peuvent participer à des simulations chirurgicales où ils pratiquent des procédures complexes dans un cadre virtuel avant de les réaliser sur des patients réels. Ces simulations permettent non seulement de répéter des gestes techniques, mais aussi de se préparer à gérer des situations d’urgence ou des complications imprévues. Par exemple, l’Hôpital Privé de la Baie dans la Manche est le premier établissement français à intégrer la réalité virtuelle dans la formation continue afin de prévenir les risques au bloc opératoire. Le serious game baptisé « le bloc des erreurs » en immersion virtuelle au bloc opératoire est accessible aux soignants dont les étudiants internes ou externes.

La gestion de la douleur

La réalité virtuelle offre des solutions innovantes pour la gestion de la douleur, en particulier chez les patients souffrant de douleurs chroniques ou en soins palliatifs. En immergeant les patients dans des environnements virtuels relaxants ou distrayants, la VR est en mesure de réduire leur perception de la douleur, ce qui diminue la nécessité d’utiliser des médicaments analgésiques. Par exemple, dans une étude menée sur 11 patients victimes de brûlures âgés de 9 à 40 ans qui exigeaient une hospitalisation, on a signalé une diminution de 35 à 50 % de la douleur perçue lorsque la  réalité virtuelle était utilisée avec le traitement pharmacologique standard par rapport à la pharmacothérapie seule (Hoffman et al., 2008)³Fuchs, P., Moreau G., Berthoz A., Le traité de la réalité virtuelle volume 1 : L’Homme et l’environnement virtuel. Presse des Mines, pp.380, 2006, Mathématique et informatique, 9782911762628. ⟨hal-00753715⟩.

Les cyberthérapies ou thérapies par exposition à la réalité virtuelle

La  réalité virtuelle est également utilisée pour traiter diverses conditions psychologiques. Dans le cadre des thérapies cognitivo-comportementales, la VR permet de traiter les phobies, l’anxiété, les addictions et le stress post-traumatique en exposant les patients à des situations stressantes de manière contrôlée et graduelle. Par exemple, un patient souffrant d’acrophobie (peur des hauteurs) peut être exposé à des simulations de hauteurs, ce qui lui permet de travailler sur sa phobie dans un environnement sûr.

La réhabilitation physique

Des programmes de  réalité virtuelle sont utilisés pour aider les patients à récupérer leur motricité après un AVC ou une blessure. Grâce à des exercices immersifs, les patients sont encouragés à réaliser des mouvements répétitifs et engageants, ce qui peut accélérer leur rétablissement.

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Quels avantages de l’utilisation de la réalité virtuelle en santé ?

L’usage de la réalité virtuelle en santé présente plusieurs avantages aujourd’hui bien connus. L’engouement pour la  réalité virtuelle tient à sa capacité à offrir de nouvelles possibilités jusque-là limitées en environnement réel à savoir :

Avantage n°1 : un environnement contrôlé et contrôlable

Il n’y a pas de mauvaises surprises ou de hasard. Les environnements stables qui sont créés plongent les praticiens comme les patients dans des environnements sans risque même pour les situations les plus rares. De plus, la réalité virtuelle permet de paramétrer les environnements créés et d’en relever des variables et métriques objectives. Les données générées peuvent dès lors être plus facilement comparées car issues d’environnements aux paramètres connus.

Avantage n°2 : un environnement personnalisable adapté aux besoins des utilisateurs (patients comme praticiens)

L’environnement évolue progressivement au plus près des besoins du patient. Par exemple lors d’une thérapie pour soigner l’agoraphobie, il n’est pas toujours évident pour le praticien de prévoir avec certitude les paramètres d’une mise en situation (comme par exemple le nombre de voyageurs dans une rame de métro). De plus, la personnalisation des environnements 3D renforce l’engagement et la motivation des utilisateurs et optimise les résultats, qu’ils soient thérapeutiques ou non (ex : l’apprentissage lors de formation) via une meilleure immersion.

Avantage n°3 : un environnement gamifié qui facilite l’engagement long terme

Dans le cadre de rééducations, il est courant de constater une baisse de l’engagement des patients au cours du temps, d’autant plus lorsque les processus sont longs et douloureux. La VR peut alors être utilisée pour plonger le patient dans un univers gamifié personnalisable selon ses besoins et envies. Pris par le jeu, cette «  mise en scène » va lui permettre d’oublier qu’il est en fait en pleine séance de rééducation. Principalement utilisée par les kinésithérapeutes, cette technique a été prise en main par plusieurs entreprises ces dernières années. On peut notamment citer MindMotion, approuvée par la FDA et marquée CE, qui a déjà accompagné plus de 3300 patients.

Quels sont les défis actuels à relever pour exploiter pleinement le potentiel futur de la réalité virtuelle dans le domaine de la santé

Malgré ses nombreux avantages, l’utilisation de la  réalité virtuelle en santé comporte aussi des défis et limites.

Défi n°1 : surmonter les effets indésirables de la cybercinétose

En effet, l’exposition à la réalité virtuelle peut perturber le système sensoriel et conduire à des symptômes de type nausées, vertiges, sueurs, pâleur, pertes d’équilibre … regroupés sous la dénomination de « cybercinétose ». Chez les personnes qui y sont sensibles, ces symptômes peuvent apparaître dès les premières minutes d’utilisation et s’avèrent contre-productifs.

Défi n°2 : réduire les coûts d’acquisition et de maintenance des équipements VR

Par ailleurs, le coût d’acquisition et de maintenance des équipements de VR reste élevé, ce qui peut limiter son adoption dans certaines institutions.

Défi n°3 : atténuer les barrières technologiques

Les barrières technologiques, telles que la nécessité de matériel sophistiqué et la courbe d’apprentissage associée à son utilisation, peuvent ralentir son intégration dans la pratique clinique quotidienne.

Défi n°4 : assurer la confidentialité et la sécurité des données

D’autre part, les problèmes éthiques et de confidentialité des données générées ou récupérées constituent également des préoccupations importantes, surtout en ce qui concerne l’utilisation des données des patients dans des environnements virtuels. Il est crucial de s’assurer que ces technologies respectent les normes de confidentialité telles que le règlement général de protection des données (RGPD) appliqué au secteur de la santé.

Défi n°5 : garantir l’hygiène et la sécurité des équipements de VR

Enfin, les casques de réalité virtuelle utilisés dans la pratique des soins se doivent également de respecter des règles d’hygiène et de sécurité strictes. En effet, les contraintes d’hygiène spécifiques du secteur imposent aux casques d’être résistants aux solvants en cas de désinfections répétées, d’établir une procédure de nettoyage précisant les instructions à suivre ou encore de prévoir d’avoir des accessoires amovibles avec des protections facilement remplaçables. En somme, c’est toute la conception du casque qui doit être adaptée avec des matériaux aux propriétés répondant aux attentes du secteur. D’autre part, les casques de réalité virtuelle s’ils sont utilisés comme dispositifs médicaux dans l’Union Européenne doivent être certifiés CE. Le fabricant doit dès lors démontrer que le casque satisfait les normes de sécurité et de performance fixée par le règlement européen 2017/745.

Malgré ces défis techniques, économiques, éthiques et réglementaires, l‘avenir de la réalité virtuelle en santé est prometteur. En effet, si ces obstacles sont franchis et si  les recherches à l’avenir  parviennent à augmenter le  niveau de preuve des études actuelles, alors  la  réalité virtuelle pourrait bien devenir une composante essentielle des soins de santé du futur, offrant des solutions pour améliorer la qualité des soins et des formations. La dynamique est lancée, en témoignent les innovations continues dans ce domaine qui ouvrent la voie à des applications encore plus sophistiquées et accessibles. C’est notamment le cas par exemple avec l’amélioration des technologies de capture de mouvement, l’intégration de l’intelligence artificielle ou encore le développement de dispositifs permettant d’inclure encore plus de sens tel que l’odorat… Alcimed suit de près les développements rapides de ces technologies qui révolutionnent la santé de demain et est prêt à vous soutenir sur ces sujets. N’hésitez pas à contacter notre équipe !

À propos de l’auteur, 

Mathilde, Consultante au sein de l’équipe Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed en France.