Quel est l’intérêt des trains à hydrogène ?
Les trains à hydrogène pourraient contribuer à décarboner le transport ferroviaire, notamment en remplaçant les trains alimentés au diesel sur les lignes non électrifiées. En 2021, près de 40% des kilomètres de lignes ferroviaires en Europe n’étaient pas électrifiées, et presque la totalité des lignes aux États-Unis.
Les trains à hydrogène offrent une possibilité de décarboner en évitant les coûts de l’électrification et possèdent une autonomie parfois plus de trois fois supérieure à celle des trains à batteries. Ainsi, en France, l’ADEME indique que l’hydrogène pourrait être pertinent face à l’électrification sur 34 des 52 lignes « prioritaires au verdissement ».
Néanmoins, remplacer les trains diesel par des trains qui roulent à l’hydrogène n’est pas simple.
Quels sont les défis majeurs au développement des trains à hydrogène en Europe ?
Si plusieurs technologies permettent à un train d’être propulsé par de l’hydrogène – piles à combustible comme le Coradia iLint d’Alstom ou moteurs à combustion directe, comme le RS Zero de Stadler – elles rencontrent les mêmes obstacles liés à l’approvisionnement en hydrogène et aux infrastructures nécessaires. Au-delà de l’hydrogène, les premiers trains font face à des difficultés techniques et règlementaires qui freinent leur déploiement.
Défi n°1 : Sécuriser l’approvisionnement en hydrogène vert
Pour décarboner, les trains doivent être alimentés en hydrogène vert, fabriqué par un processus d’électrolyse de l’eau à partir d’électricité provenant d’énergie renouvelable. Or, il peut être complexe pour les opérateurs ferroviaires de s’approvisionner en hydrogène vert de manière fiable et compétitive.
En effet, la production d’hydrogène vert en Europe peine à atteindre les objectifs fixés. L’importation depuis d’autres pays producteurs, comme le Maroc, est une possibilité qui nécessite néanmoins de construire des infrastructures pour le transporter et qui s’inscrit dans des considérations géopolitiques. De plus, la volatilité actuelle des prix de l’hydrogène vert rend complexe les évaluations financières des opérations sur le long terme.
Ces difficultés d’approvisionnement ont notamment perturbé les opérations sur la ligne régionale RB 33 en Allemagne, où une partie des 14 trains à hydrogène a dû être temporairement remplacée par des trains diesel ou encore sur la RB27, deux semaines seulement après la mise en service de 6 trains à hydrogène.
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Défi n°2 : Atteindre un niveau d’infrastructures suffisant
Des investissements importants sont nécessaires pour assurer un maillage suffisant en terme de stations de recharge. En effet, le nombre et la répartition actuelle des stations de recharge est une contrainte à la flexibilité pour les opérateurs. Atteindre le niveau d’infrastructures de recharge est d’autant plus complexe que l’interopérabilité des stations est limitée :
- Limites techniques : Il n’est par exemple pas toujours possible d’utiliser les mêmes stations de recharge pour les trains et les voitures, puisque les protocoles sont différents et amènent à des temps de recharge trop contraignants.
- Limites liées à l’emplacement : Lstation de recharge doit être accessible facilement et rapidement depuis les rails, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des stations existantes. Cette contrainte pourra également être difficile à réaliser sur les nouvelles stations, en proie à une concurrence entre les usages.
Défi n°3 : Garantir la fiabilité des opérations suite à des problèmes techniques initiaux
La mise en route des premiers trains à hydrogène n’a pas été un succès : presque 20% des trajets ont été annulés sur la ligne RB22 en Allemagne en 2023 en raison des pannes récurrentes. Suite à deux années de service ponctuées de problèmes techniques, Alstom a rappelé les trains en question afin de les réviser, contraignant la RVB à temporairement revenir aux trains diesels.
Ces difficultés techniques ont alimenté les doutes quant à la fiabilité de cette technologie, et pourraient retarder l’adoption des trains équipés de pile à combustible. En effet, si ces épisodes ne suffisent pas à remettre en question la technologie de manière intrinsèque, le manque de maturité perçue peut aujourd’hui freiner les propriétaires des flottes ferroviaires à s’équiper d’un train à hydrogène.
Défi n°4 : Établir un cadre réglementaire et des standards
L’homologation d’un train propulsé par de l’hydrogène et des infrastructures en lien peut représenter un casse-tête pour les constructeurs, opérateurs et gestionnaires d’infrastructures ferroviaires. En Europe, il n’existe pas encore de cadre réglementaire spécifique et standardisé pour cette nouvelle technologie. Cela résulte en une procédure d’approbation longue et incertaine puisque chaque projet est évalué au cas par cas.
De la même manière, l’absence de standards techniques opérationnels freine l’introduction de l’hydrogène dans le ferroviaire. Actuellement, il est nécessaire pour chaque projet d’identifier les conditions spécifiques et locales pour l’utilisation de l’hydrogène, en fonction de l’infrastructure et du véhicule. L’obligation de procéder à des évaluations des risques et de concevoir des interfaces techniques, logiques et opérationnelles au cas par cas entraîne un long délai de mise en œuvre pour l’ensemble du projet et des coûts supplémentaires.
Le ferroviaire est le mode de transport longue distance le moins émetteur : Il représente seulement 1% des émissions liées aux transports dans le monde. L’Union Européenne en a fait la pierre angulaire de sa stratégie de mobilité et prévoie de doubler le fret ferroviaire d’ici 2050.Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la priorité devrait ainsi être placée sur le report modal vers le train plutôt que la décarbonation du ferroviaire, du moins dans les années à venir.
Cela ne signifie pas que l’industrie ferroviaire se contente de sa position. En effet, les acteurs du ferroviaires, opérateurs comme constructeurs, se sont fixés des objectifs de réduction des émissions de CO2 ambitieux.
Les trains à hydrogène pourraient représenter une alternative viable, pertinente et compétitive pour verdir les flottes en remplaçant les trains diesel sur certaines lignes non électrifiées. Il existe néanmoins des préconditions à la réalisation de ce potentiel : le déploiement à grande échelle de l’hydrogène et des infrastructures liées sur tout le territoire européen, la fiabilisation des technologies et la mise en place d’un cadre réglementaire et de standards techniques permettant une réelle compétitivité.
Pour réduire les émissions, l’hydrogène n’est pas le seul angle d’attaque. Trains à batterie et électrification frugale, carburants verts, efficacité énergétique’ grâce aux data et à l’IA, ou encore matériaux sont des pistes d’innovation prometteuses pour décarboner et réduire l’impact environnemental du ferroviaire.
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À propos de l’auteur,
Juliette, Consultante senior au sein de l’équipe Énergie-Environnement-Mobilité d’Alcimed en France.