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Quels sont les défis à relever pour construire une filière européenne de recyclage de batteries ?

Publié le 08 octobre 2025 Lecture 25 min

Malgré leur importance stratégique, les projets de recyclage peinent à voir le jour en Europe. En 2024, plusieurs projets phares ont été suspendus, comme ceux d’Euromet, de Stellantis & Orano, ou encore de BASF.

Le processus de recyclage des batteries lithium-ion suit plusieurs étapes clés : collecte et stockage des batteries en fin de vie, suivis d’un pré-traitement impliquant leur décharge, démantèlement et broyage pour obtenir la « black mass », de laquelle seront extraits des sels métalliques à travers différentes techniques, comme la pyrométallurgie et l’hydrométallurgie. Ces différentes étapes ne se sont pas développées à la même vitesse en Europe, engendrant un déséquilibre dans la croissance des capacités de recyclage sur le continent. Tandis que les capacités de prétraitement ont connu une expansion rapide, les projets de récupération des métaux continuent d’être repoussés ou annulés. Plusieurs facteurs freinent le développement des capacités de recyclage en Europe, et plus particulièrement des initiatives de récupération des métaux : le contexte difficile pour la production de batteries, contribue à un accès limité en matières premières secondaires pour les recycleurs (batteries usagées et rebuts de production), à un manque de débouchés pour les métaux recyclés ainsi qu’à des incertitudes qui ralentissent les investissements. Dans cet article, Alcimed détaille les principaux défis à relever pour construire une filière européenne de recyclage de batteries.

Défi n°1 : Renforcer la capacité industrielle européenne de production de batteries

Une filière de batterie circulaire nécessite une approche écosystémique : pour qu’une filière du recyclage soit mise en place, il faut déjà qu’une production de batterie existe. Or en Europe, celle-ci peine à émerger. Cela s’explique par plusieurs facteurs :

  • Un marché des véhicules électriques peu dynamique : bien que l’interdiction de la vente de nouveaux moteurs à combustion à partir de 2035 ait été votée par l’UE en 2022, la croissance des ventes de véhicules électriques est plus lente que prévu. Le coût encore élevé des véhicules, le manque d’infrastructures de recharge et les réticences des consommateurs à abandonner les moteurs thermiques freinent la demande.
  • Une demande qui s’oriente vers les batteries LFP (Lithium-fer-phosphate) :  l’attrait des fabricants automobiles pour cette technologie, moins onéreuse et plus sûre, se fait au détriment des Gigafactories européennes, qui avaient initialement fait le choix de la chimie NMC (Nickel, Manganèse, Cobalt). Ainsi, les nouvelles Gigafactories en Europe devraient produire des batteries LFP, tandis que celles existantes considèrent changer de cap pour s’adapter à la nouvelle donne. Néanmoins, de nouveaux efforts de recherche et d’industrialisation seront nécessaires pour maîtriser cette technologie, retardant davantage la mise à l’échelle de la production.
  • Des difficultés pour produire à l’échelle : fabriquer des cellules de batteries à grande échelle est un procédé complexe, que les Gigafactories européennes ont du mal à maîtriser. Sur ces grands volumes, la qualité n’est pas maintenue, générant des taux de rebuts significatifs, dépassant parfois les 60%1Ducuing, O. (2024, October 14). Dans la première gigafactory de batteries française, en pleine course-poursuite à la qualité. Les Echos. https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/dans-la-premiere-gigafactory-de-batteries-francaise-en-pleine-course-poursuite-a-la-qualite-2122612.  Au-delà de ces pertes, les retards de livraison occasionnés peuvent amplifier les difficultés financières en entraînant l’annulation de commandes.
  • Une solide concurrence asiatique : les fabricants asiatiques dominent le marché mondial des batteries et possèdent une avance technologique significative, face aux Gigafactories européennes qui n’ont pas encore atteint les économies d’échelles. Les prix de l’énergie en Europe, plus élevés qu’en Asie ou aux Etats-Unis, se répercutent sur les coûts de production, complexifiant davantage leur compétitivité. Par conséquent, les Gigafactories européennes peinent à rivaliser en termes de qualité et de coûts avec leurs équivalents asiatiques, entreprises bien implantées.

Défi n°2 : Sécuriser l’approvisionnement en matières premières en soutenant les recycleurs européens

Les usines de recyclage ne sont pas en mesure de sécuriser des volumes de matières premières assez importants pour atteindre un niveau de production viable. En effet, il y a aujourd’hui encore peu de batteries à recycler. Les batteries arrivent en fin de vie après 10 ans. Or, en 2015, les véhicules électriques représentaient seulement 1,2% des parts de marché en Europe2Electric car registrations and market share in selected countries and regions, 2015-2020 – Charts – Data & Statistics – IEA. (n.d.). IEA. https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/electric-car-registrations-and-market-share-in-selected-countries-and-regions-2015-2020.

La source principale de blackmass en Europe correspond actuellement aux rebuts de production. Néanmoins, les producteurs peuvent se montrer réticentes à choisir des partenaires de recyclage européens. Ils ont besoin de partenaires solides, en mesure de stocker et de traiter leurs volumes de rebuts sans délai, faute de quoi la production pourrait être impactée. Or, les recycleurs européens n’ont aujourd’hui pas les capacités et la maturité attendue. Aussi, la black mass issue de la production européenne est majoritairement envoyée en Asie et plus particulièrement en Corée du Sud, où l’écosystème est développé.

Malgré les bénéfices que représenteraient la présence d’acteurs européens du recyclage, les Gigafactories ne sont pas toutes en mesure de soutenir leur développement dans le contexte critique où elles se trouvent. Focalisées sur leur propre survie, leurs efforts se concentrent sur la mise à l’échelle de la production et leur compétitivité. Le soutien à la filière recyclage en Europe et les phases d’expérimentation qu’elle représente est relégué au second plan. Par manque d’engagement sur le long-terme de leur part, les recycleurs peinent à sécuriser l’approvisionnement nécessaire à leurs projets.

La filière se trouve actuellement dans la situation de l’œuf et de la poule : les projets de recyclage sont pour le moment en phase de test ou pilote, et n’ont pas encore les capacités et la fiabilité recherchées par les Gigafactories. En parallèle, le manque de partenariats de long-terme avec ces dernières freine leur développement. En effet, d’importants investissements sont nécessaires pour construire des installations de recyclage, et en particulier de récupération des métaux. En outre, les coûts d’exploitation, influencés par la nécessité de se conformer aux réglementations environnementales, sont significatifs. Les incertitudes sur l’approvisionnement remettent en question la viabilité du projet, en particulier pour les start-ups dont les chances d’obtenir les fonds nécessaires pour construire leur usine pourront être limitées.


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Défi n°3 : Développer un marché européen pour les matériaux issus du recyclage

Les sels métalliques extraits du recyclage doivent être transformés en précurseurs de cathodes (pCAM), puis en matériaux actifs de cathode (CAM), qui seront ensuite intégrés dans de nouvelles batteries. Or, les projets d’usines de pCAM et CAM en Europe restent rares et peu avancés. Faute de clients locaux, les matériaux issus du recyclage en Europe devraient de toute manière être exportés vers l’Asie.

Sans ces acteurs, l’intérêt de recycler les batteries en Europe serait limité. En effet, cela ne répondrait pas aux enjeux de souveraineté énergétique et d’indépendance vis-à-vis des fournisseurs asiatiques, ni à l’ensemble des enjeux environnementaux, une partie des matériaux faisant toujours le trajet intercontinental.  Le recyclage n’apparaît ainsi pas comme l’unique maillon manquant pour établir une filière de batterie circulaire. De la même manière que les incertitudes vis-à-vis de l’approvisionnement, le manque de garantie sur les débouchés commerciaux remet en cause la viabilité des projets de recyclage en Europe.

Une filière de production de batterie solide est un prérequis pour l’émergence de l’écosystème de recyclage et de fabrication de pCAM et CAM. Or, en Europe, cette première peine à démarrer et n’est ainsi pas en mesure d’exercer son rôle catalyseur pour le développement du reste de la chaîne. Les acteurs du recyclage subissent ainsi un manque de garanties en amont comme en aval, qui remet en question la viabilité de leurs projets et limite les investissements nécessaires à leur mise à l’échelle.

La réglementation est un des leviers pour contrebalancer la dynamique actuelle, notamment pour soutenir les différentes innovations qui permettrait à l’ensemble de la filière européenne de batteries de se différencier. C’est l’objet du prochain et dernier article de cette série. Alcimed se tient à vos côtés pour vous aider à relever les défis de la recyclabilité des batteries en Europe. N’hésitez pas à contacter notre équipe !


À propos de l’auteur,

Juliette, Consultante au sein de l’équipe Énergie-Environnement-Mobilité d’Alcimed en France.

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